Ce portfolio a été initialement publié dans le magazine Jump Point 9.7.
Célèbres pour la qualité de leurs prestations, les centres de soins Brentworth se classent fréquemment parmi les meilleurs centres médicaux de l’UEE en termes de santé des patients et de satisfaction des clients, mais également parmi les plus chers. Nombreux sont ceux qui ne jurent que par leurs services, qui incluent les soins médicaux standard, la chirurgie esthétique et les remplacements cybernétiques. Toutefois, certaines compagnies d’assurance se sont plaintes des prix gonflés des centres de soins et les ont accusé d’augmenter artificiellement le coût des services. Certains assureurs ont même récemment menacé de refuser les demandes de remboursement de ces hôpitaux coûteux. Cependant, il semble peu probable qu’il y ait un changement de sitôt, car ces prix élevés correspondent à la vision du Dr Jaleel Brentworth pour les centres de soins qui portent son nom. Dans une interview accordée à Terra Gazette, ce dernier a défendu le coût élevé en déclarant : “Ma philosophie est que le traitement du problème médical de base n’est qu’une partie du processus. La rééducation est une expérience qui concerne tout le corps, c’est pourquoi j’ai construit mes centres de soins en fonction de ce principe, en offrant à l’esprit et au corps le confort et les soins dont ils ont besoin pour guérir. Et ces soins supplémentaires ont un coût.”
DES SOINS DE QUALITÉ
Jaleel Brentworth naquit sur Terre en 2829. Il mena une enfance heureuse et privilégiée jusqu’à ce que son frère aîné, Sajit, soit atteint d’une maladie rare du foie. Jaleel vit Sajit souffrir de plusieurs traitements expérimentaux avant de recevoir un foie artificiel. L’implant permit à Sajit de redevenir le grand frère énergique et intellectuellement curieux que Jaleel adorait, mais avec le temps, son corps rejeta lentement le nouveau foie. Les médecins tentèrent de le soigner à l’aide de plusieurs traitements d’immunosuppression et de reconstruction nerveuse, mais cela s’avéra trop éprouvant pour Sajit qui mourut quelques semaines plus tard à l’hôpital. Cette perte dévasta Jaleel mais l’incita à étudier la médecine.
Il étudia à l’Université terrienne d’Australie (UEA) où il développa un vif intérêt pour le système nerveux. Il fut particulièrement fasciné par les axones, les fibres nerveuses qui conduisent les impulsions électriques, et rédigea plusieurs articles de recherche sur les moyens d’améliorer potentiellement la façon dont les implants cybernétiques et les organes artificiels se connectent et communiquent avec le corps. Ces travaux attirèrent l’attention d’un chercheur de l’UEA, le Dr Ariel Roux, qui étudiait les moyens d’inverser la neurodégénérescence, une cause majeure de défaillance des implants. Les deux hommes unirent leurs forces et commencèrent à mener des essais simulés des nouvelles méthodes de chirurgie proposées par Brentworth dans ses articles.
Leurs premières expériences se révélant prometteuses, Brentworth, après avoir obtenu son doctorat, décida de ne pas ouvrir de cabinet médical. Au lieu de cela, il rejoignit l’UEA en tant que spécialiste en chirurgie au sein de l’équipe de recherche du Dr Roux. Après des années d’opérations expérimentales, le Dr Brentworth fut consterné par leurs progrès. Dans la plupart des cas, il n’y avait aucune différence mesurable entre les performances des implants chez leurs participants et les normes médicales actuelles. L’exception étant plusieurs groupes dont les opérations furent effectuées à bord d’un vaisseau stationné en basse gravité.
Le professeur Roux acquit la conviction que la faible gravité aidait en quelque sorte le système nerveux à former une greffe plus solide aux implants, mais le Dr Brentworth n’était pas convaincu. Celui-ci nota que les données biométriques des participants montraient également une fréquence cardiaque et une pression artérielle plus faibles, ce qui indiquait qu’ils étaient plus détendus avant et après les interventions chirurgicales. Une différence qu’il attribua au fait que les participants s’étaient relaxés dans les logements de luxe à bord du vaisseau pendant le voyage aller-retour. Se rappelant à quel point son frère avait été stressé lors de son séjour prolongé à l’hôpital, le Dr Brentworth voulut réaliser la prochaine série d’interventions dans des conditions de gravité normale, en donnant aux patients des chambres de standing pour qu’ils puissent se détendre avant et après l’opération, mais le professeur Roux rejeta la proposition pour se concentrer sur des expériences à faible gravité. Un fossé se creusa entre les deux hommes qui, peu de temps après, se séparèrent amicalement.
Le Dr Brentworth s’installa à New York, où son époux avait obtenu un poste de conseiller auprès d’un sénateur. En 2862, il reçut un investissement substantiel de ses parents pour ouvrir le premier centre de soins Brentworth. Partant du principe que le niveau de confort et de soins reçus tout au long du traitement est tout aussi important que l’opération elle-même, le Dr Brentworth fit appel au cabinet primé d’architecture et de design Lobi-Ross pour que le centre de soins soit l’égal des meilleurs complexes hôteliers. Les affaires démarrèrent lentement, jusqu’à ce que son époux, Darren, convainque une agent de sécurité du Sénat de faire examiner sa jambe cybernétique défectueuse par le Dr Brentworth. D’autres médecins lui avaient dit qu’une nouvelle jambe était la seule solution, mais le Dr Brentworth était convaincu qu’une petite intervention pourrait consolider la greffe actuelle. Il avait raison, et la rumeur se répandit rapidement parmi le personnel de sécurité du Sénat que non seulement le Dr Brentworth pouvait faire des miracles, mais qu’un séjour dans son établissement était meilleur que certains hôtels. Cette notoriété grandit et finit par lui valoir sa plus grande patiente, la sénatrice Linda Beckley, dont la moitié du corps avait subi d’horribles brûlures à la suite d’un terrible accident de vaisseau. Les greffes de peau étaient si réussies que seuls les membres de son cercle rapproché savaient qu’elle les avait subies. Néanmoins, une fois que la rumeur se répandit parmi les politiciens, les personnes d’influence et les célébrités que le Dr Brentworth faisait un travail exceptionnel et donnait la priorité à la vie privée, les affaires décollèrent. Même après avoir triplé la taille du centre de soins, la demande fut si forte que les rendez-vous étaient fixés des mois à l’avance. Rapidement, de puissants investisseurs prirent des rendez-vous pour obtenir des soins, juste pour avoir l’occasion de convaincre le Dr Brentworth de les laisser l’aider à développer sa marque.
CONTRÔLE QUALITÉ
Dans un premier temps, le Dr Brentworth s’opposa à toute idée d’expansion en raison de ses inquiétudes quant au contrôle de la qualité des soins. Il était devenu un microgestionnaire notoire, et même s’il n’effectuait pas toutes les interventions, il pouvait superviser et conseiller à tout moment. Cependant, après avoir reçu de nombreuses offres d’investissement, le Dr Brentworth vit le potentiel et décida de s’y lancer lui-même. Il commença modestement en ouvrant d’autres centres de soins Brentworth sur Terre. Cela lui permit de choisir personnellement chaque emplacement, de superviser leur conception, de faire passer des entretiens et d’embaucher du personnel, et une fois ouvert, d’être à portée d’un appel. Ces nouveaux centres étant rapidement réservés des mois à l’avance, il fut décidé de les étendre à d’autres sites du système Sol.
Pour accélérer l’expansion, le Dr Brentworth travailla avec des conseillers pour établir des normes rigoureuses pour ses centres de soins. Aucun détail n’était à négliger. Qu’il s’agisse de s’assurer que les bonnes plantes sont sélectionnées pour le hall d’entrée ou de spécifier la température de couleur de l’éclairage dans les salles de réveil, tous les futurs centres de soins Brentworth seront construits selon ces normes élevées. Le Dr Brentworth établit des règles tout aussi strictes en ce qui concerne les actes médicaux, en précisant notamment certains critères biométriques que les patients devaient atteindre avant une opération et avant d’être autorisés à sortir. En outre, les bénéfices du centre étaient réinvestis dans la recherche des dernières avancées médicales et dans la formation de son personnel à leur utilisation. Le Dr Brentworth dépensa notamment des milliards pour mettre à niveau tous les scanners médicaux deux fois la même année, après la sortie d’un nouveau modèle légèrement plus précis. Il affirmait que rien ne détendait davantage les patients et ne les aidait à guérir que de savoir qu’ils recevaient les meilleurs soins.
Très vite, des centres de soins Brentworth furent installés dans de nombreux systèmes de l’Empire. Au début des années 2900, de nombreux autres cabinets tentèrent de reproduire leur médecine de luxe, mais aucun n’égala Brentworth en termes de prestige et de popularité. En 2917, le Dr Jaleel Brentworth prit sa retraite et mourut peu après à l’âge relativement jeune de 87 ans. Son époux révéla à titre posthume que Jaleel souffrait d’une maladie rénale chronique et qu’il avait décidé de ne pas recevoir de prothèses, plaisantant sur le fait que la seule personne à qui il aurait confié cette intervention était lui-même. Si l’homme a lentement disparu de la conscience publique au fil des ans, les centres de soins Brentworth continueront à porter son nom pendant encore longtemps et à faire preuve d’une grande qualité de soins et d’un dévouement méticuleux aux détails. Qualité et dévouement qui placent ces centres parmi les meilleurs établissements médicaux.