Frères d’armes : partie une

Note de l’auteur : Brothers In Arms: Partie Une a été originalement publiée dans le Jump Point 3.5

L’affichage tête haute du Cutlass de Gavin Rhedd faiblit sur les bords. Les triangles verts représentant les membres de son équipe de sécurité se déformaient pour former des pics horizontaux d’électricité statique. Il frappa le côté de son casque. C’était une manœuvre éprouvée qui avait déjà permis à l’ATH de refonctionner correctement. Cette fois, l’affichage clignota, s’affaiblit puis disparu.

Un souffle lourd envoya un mince voile de vapeur remonter la visière de son casque. La condensation obscurcissait la vue de l’espace noir et vide devant.

Vide comme l'affichage tête haute défectueux.

Vide comme il l’était depuis des semaines.

Il y avait des bandits et des maraudeurs qui sévissaient sur toutes les planètes de l’Univers et il n’arrivait pas à trouver un foutu gang. Rien ne fonctionnait comme il l'avait prévu.

Sur le navsat, les trois autres membres de Rhedd Alert Security s’étaient dispersés. Son frère Walt avait été positionné directement à bâbord. Jazza et Boomer étaient dangereusement hors de position.

Quelle négligence.

Tout le monde s’ennuyait et devenait laxiste.

Boomer a été le premier à briser le silence cette fois.

« Hey, les gars ? »

« Qu’est-ce qu’il y’a Boomer? » Walt fut le premier à répondre.

« J’ai froid. »

Jazza ne suivait pas les ordres mieux que les autres, et sa plaisanterie avait le ton de la rivalité amicale. « Dans ce cas mets un pull. »

« Hey, Jazz ? » Boomer lui répondit.

« Ouais ? »

« Enlèves ton casque un moment. »

« Pourquoi ça, vieil homme ? Tu veux un baiser ? »

« Nan. J'espère que tu vas être aspirée et que tu vas mourir quand je vais percer un trou dans ton cockpit. »

Gavin soupira dans son casque avant de déclencher son micro. « Allez, les gars. Je veux un silence radio. Les mineurs d'Oberon nous ont embauchés pour régler leur problème de pirate. Et vous trois bavardant sur un canal ouvert ne nous aidera pas à les trouver plus vite. »

« Je commence à haïr ce système, » murmura Walt.

Ils étaient tous fatigués et sur les nerfs après de longues semaines sans action. Mais Walt tuait leur moral en exprimant cette frustration. Toute cette affaire - Rhedd Alert Security, abandonner la contrebande et être clean, demander la citoyenneté - était quelque chose qu’ils avaient acceptés de faire ensemble. Gavin et Walt. Des frères. Rentrer dans la légalité et démarrer une affaire.

Cela semblait être une bonne idée alors qu’ils évitaient les systèmes en alerte et dépensaient une fortune dans de faux identifiants. Mais certaines choses ne changent pas, et Walt était le même vieux Walt – Que des paroles et pas de suite dans les idées. Il ne tardera pas à trouver une excuse pour passer à des cieux plus propices.

« Qu’est ce qui ne va pas Boomer ? »

« Le froid, Gavin. Je pense que le chauffage est mort. »

Merveilleux. Quelque chose d'autre à réparer. Peut-être que Walt ne serait pas le premier à arrêter après tout. Dell partirait si Gavin laissait son père mourir de froid sur ce rocher.

Jazza éclata de rire: « Oui. Cela sonne bien pour cette équipe. »

« Jazza, vas-tu la fermer à la fin ? Quelle partie tu ne comprends pas. Silence ou radio ? »

« Oui monsieur, grand chef. »

« Jésus. J’avais plus de respect de votre part quand nous étions des criminels. Boomer, par tous les dieux Banu, pourquoi ne m'as-tu pas dit que tu avais des problèmes avant de quitter le hangar ? »

« Je, euh... Je pensais rester tranquille jusqu'à la fin de la mission. Jusqu'à ce que nous ayons été payés, tu sais ? »

Cela aurait dû être un travail rapide. Mais après des semaines de chasse infructueuse, même s'ils finissaient par chasser les pirates, le travail serait une perte nette.

« Hé, les gars ? » Jazza commençait vraiment à l'énerver. Il le lui dit. « Ferme-la, Gavin. Je voulais juste vous faire savoir que j'ai trouvé quelque chose. »

Gavin étudia rapidement la console navsat. La zone semblait vide, à part eux quatre, donc quoique ce soit qu’elle ait trouvé, ça n’apparaissait pas sur ses écrans. Il frappa de nouveau son casque en espérant que l'ATH revienne à la vie.

« C’est une coque » dit Jazza. « Une grosse. On dirait un Idris dépouillé. Il a l’air HS. »

« Je ne te vois pas sur… merde » dit Walt. « Te voilà. Comment vous en êtes-vous arrivés là-bas ? »

« On se calme les gars, » dit Gavin. « Boomer ? Diriges toi vers Jazza. Walt et moi on tient notre position. »

« Reçu. »

Un Idris représentait une sacrée somme de crédits en terme de recyclage. Etrange que personne ne l'ait revendiqué. Ils étaient à Oberon pour chasser des pirates, mais un petit travail de récupération à côté était un bonus bienvenu.

« Jazza, » Dit Gavin, « Je n’ai rien proche de toi sur les capteurs. Tu penses que c’est juste une épave à la dérive ? »

« Je pense que oui, » dit-elle lentement, pas sûre. « Je pensai avoir vu une signature thermique mais je ne la vois plus maintenant. Je vais me rapprocher – Jésus ! »

« Jazza », la voix de Boomer était calme. Le vieil homme était concentré. « Décroche à droite, je vais te libérer de celui là et les attirer vers les gars. »

« Je n’arrive pas à m’en défaire. »

Le navsat montra trois nouveaux vaisseaux. Un 325a avec des identifiants masqués se rapprochait de Jazza. Walt passa devant, accélérant déjà vers la mêlée, et Gavin vira pour suivre.

« Redresse fort, » dit Boomer. « Ramène le par ici — Bon sang. »

« Parle nous, Boomer, » dit Walt.

« Jazza s’est pris un tir lourd. Ces gars sont tous équipés d’un Tarantula – le gros modèle. »

« Accroche-toi, » dit Gavin. « On est Presque là. Walt, mon ATH a lâché. J’ai besoin d’un visuel pour combattre, peux-tu les engager ? »

« Je m’y colle. »

« Tiens bon, Boomer. On arrive. »

Walt était une traînée incandescente devant lui. L'espace environnant semblait désespérément vide sans les aides visuelles que l’ATH auraient normalement projetées. Seul Oberon IV, apparaissant sous eux, lui donnait un sens de la perspective.

La voix de Walt grésilla dans le silence oppressant. « Boomer. Je viens à tes trois heures. »

« Reçu. »

« Je vais faire des rafales avec mes repeaters pour attirer leur attention. Montre à ce 325 un flanc auquel il ne pourra pas résister. Je vais lui fourrer un missile à un endroit où le soleil ne brille pas. »

« Dépêche toi Walt. Je suis trop vieux pour un trois contre un. »

« Je suis sur toi dans cinq. Quatre. Trois. Décroche maintenant ! »

Droit devant, des faisceaux rouges mince comme des rasoirs traversaient l’espace. Les lasers jaillissaient en ligne droite puis se dispersèrent soudainement alors que Walt tournait autour d'un vaisseau pirate.

« Boomer ! » Les mots de Walt sortirent d’un bloc. « Je ne peux pas lui envoyer un missile avec toi au milieu. »

« Je n’arrive pas à m’en défaire.»

« Eh bien ce Tarantula va te secouer si tu n’y arrives pas. »

Un missile fila vers l'un des vaisseaux pirates. Gavin vit une série de petits éclairs à l'intérieur du cockpit, puis le 325a se transforma en une boule d'oxygène brûlante et aveuglante qui se consuma avant de disparaître.

Gavin plongea dans l'enchevêtrement tourbillonnant de vaisseaux et ajouta le feu de ses lasers au combat. Des vagues d’énergie dispersée brillaient contre les boucliers d’un pirate.

« C’est réglé, » dit Walt, « Ils vont s’enfuir. »

Il avait raison. Réalisant qu’ils étaient en infériorité numérique, les pirates restants se regroupèrent et accélérèrent au delà du vaisseau à la dérive de Jazza.

Et avec eux s’en allait tout espoir d'un travail rentable. « Marquez-les et ne les lâchez pas les gars. »

« Oublie ça », Walt redressa, se laissant rapidement distancer. « Laissez-les courir. Ils n’opéreront plus ici une fois que nous aurons pillé leur cachette. On a gagné, Gav. »

« Ce boulot ne nous remboursera même pas le carburant, Walt. On a besoin de ces vaisseaux. »

« J’y vais. » Boomer roula pour bloquer les vaisseaux fuyant entre eux.

« Boomer, » cria Walt, « Ne fais pas ça ! »

Les deux pirates se retournèrent nez à nez avec Boomer. Leurs armes brillèrent deux fois, illuminant le nez des vaisseaux, et l’Avenger de Boomer encaissa l’impact. La majeure partie de l'aile tribord disparut dans un flambeau d'oxygène en éruption. Les pirates volèrent droit au travers de l'épave flottante et s’éloignèrent à pleine vitesse.

Gavin jura et ralentit. Sans son ATH, les pirates fuyards disparurent bientôt de sa vue. « Boomer ? Parle-moi mon pote. »

L’Avenger de Boomer dériva lentement dans le noir. Puis il éclata, laissant échapper l’air et la combinaison de survie de Boomer dans l’espace.

Une nouvelle icône rouge clignotante se refléta sur la verrière du cockpit de Gavin. Il n’eut pas besoin de vérifier la console pour savoir qu’il s’agissait de la balise de récupération de Boomer.

Il laissa ses mains tomber des commandes, ferma les yeux et laissa sa tête s'affaisser en arrière. Son casque heurta l'appui-tête avec un bruit sourd. Des lumières colorées apparurent pour danser devant ses yeux fermés.

Résigné, il ouvrit lourdement une paupière pour jeter un coup d'œil cette une source de lumière envahissante. Son ATH avait décidé de réapparaître.

« Bordel. C’était quoi ça ? » Walt détacha ses mots d’une voix acerbe.

« Tarantula GT-870 Mk3, » récita en détail Gavin.

« Je connais ces fichus canons, Gavin. Je veux dire envoyer Boomer à leur poursuite. Nous avions gagné. Nous les avions mis en fuite. »

« Ces vaisseaux ne se réparent pas tout seul, Walt. Peut être que tu as pas fait le calcul mais on est ruiné. On a besoin de les récupérer. »

« La récupération c’est bien, mais Dell va te tuer si Boomer est à nouveau blessé. »

« Je vais gérer Dell. » Gavin roula ses épaules et s'installa de nouveau aux commandes. « Appelle Oberon. Dis-leur que nous nous sommes occupés de leur problème de nuisibles et que nous raserons la planque astucieuse dans laquelle la vermine se cachait à l’abri des scans. Ensuite, remets Jazza d’aplomb. En supposant que le pirate ait survécu, vous pouvez le livrer avant de ramener ce qu’il y a à récupérer à la maison. »

« Reçu, » la voix de Walt était caustique, « L’argent d’abord. Beau boulot pour garder nos priorités dans le bon ordre. »

« Bon sang, Walt. Peux-tu te taire pendant deux minutes pour que nous puissions faire nos bagages et ramener tout le monde à la maison. »

« Bien. »

« Je vais m’occuper de Boomer. Peux-tu s’il te plait aller voir si tu peux remettre Jazza d’aplomb et opérationnelle ? »

« C’est toi le chef. Petit frère. »

Gavin repoussa ses soucis de famille. Prioriser. Tout d'abord, s’occuper de l'équipage. Ramener Boomer à la maison. Réparer les vaisseaux. Rembourser certaines dettes. Il dressa une liste péniblement longue des prochaines étapes critiques et une en particulier revenait sans cesse, s’imposant définitivement tout en haut.

Il fallait vraiment qu’ils trouvent un nouveau boulot.

Walt ramena les autres au hangar. Il se cala sur l’orbite de Vista Landing du système Goss et dériva le long de celui-ci jusqu’à atteindre le hangar Rhedd Alert. Il ralentit puis s'arrêta devant trois groupes de larges doubles portes, chacune peinte d'un rouge vif.

Des balises d’avertissement flottaient devant le premier groupe de portes. De courtes poussées des petits propulseurs les maintenaient en place à une douzaine de mètre tandis qu’une équipé de travail appliquait à haute pression la peinture gris fantôme sur des pochoirs de logo Rhedd Alert.

Walt prit une fière inspiration qui pressa sa poitrine contre les limites de sa combinaison. C'était cool d'avoir leur nom en grosses lettres sur le côté du complexe.

Puis le sentiment s’estompa.

Le hangar et le personnel technique étaient des poids sur leurs épaules. Les peintres et le logo faisaient partie du contrat de location conclu avec la station, mais ils rappelaient douloureusement la permanence de leur engagement. Walt se rongea la lèvre inférieure, mal à l'aise avec le poids des responsabilités.

Il essaya de mettre de côté le sentiment de regrets, mais celui-ci était lourd et rallumait sa colère contre Gavin. Son frère voulait tellement cette compagnie. Dell aussi.

Le succès - un succès légitime - signifiait qu’ils pouvaient quitter les anciennes habitudes, pour toujours. Plus de cachette. Fini l’échange d’identifiant toutes les deux semaines pour rester en avance sur l’Advocacy. Démarrer une société et travailler pour la citoyenneté était un gros projet, mais à quel prix ?

C’était bien d’employer des gens et de postuler à la citoyenneté, mais cela a vite commencé à perdre de son éclat si le succès était synonyme de mort. Walt devait s'assurer que Gavin s’en rendait compte. Ils étaient tous fatigués, mais c'était trop important pour attendre.

« Toc toc, Dell, » dit Walt. « Ouvre. »

La voix de D’lilah retentit immédiatement sur l’intercom. Elle attendait. « Baie 3, Walt. Et fais attention aux peintres. »

« Je les ai vus. Content d’être à la maison, Dell. »

Gavin se posa en dernier et Walt l’attendait au pied de l’échelle lorsque son frère glissa jusqu’au sol.

« Ne commence pas avec moi, » furent les premiers mots sortis de la bouche de Gavin.

« Ecoute, » dit Walt, « J'étais peut-être à coté de la plaque pour suivre tes pensées pendant le combat, mais nous devons parler de ce qui s'est passé là-bas. »

« On a gagné, d’accord ? Pour le moment, je dois amener Boomer aux techniciens médicaux, puis contacter Barry pour un autre emploi. »

« Barry nous a filé ce boulot, Gav. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais ça ne s’est vraiment pas très bien fini. »

« Nous avons été frappés par des voyous. C’est ce qui se passe lorsqu’on devient négligeant. »

Il parlait procédures et performances. Deux de leurs vaisseaux avaient été abattus, Boomer était blessé et Gavin grommelait au sujet des formations de vol serrées. Walt étira ses doigts, ne voulant pas serrer les poings. Son frère plaça son casque sous un bras et s'avança sur le côté pour le contourner.

« Bon sang, Gavin, » Walt attrapa l’épaule de l’homme plus petit et le plaqua contre l’échelle. « Tu veux bien ralentir deux secondes ? »

Il avait surpris Gavin, mais son jeune frère était rapide. Gavin retira la main de son épaule, jeta son casque sur le pont du hangar et repoussa Walt des deux mains. « Quel est ton problème, Walt ? »

Le hangar devint silencieux. Un rapide coup d'œil de part et d'autre montra le reste de l’équipe cherchant quelque-chose d’utile à faire, aussi loin des frères que possible. Walt se pencha et siffla : « J’essaie de t'empêcher de blesser quelqu'un. Quel est le but de Rhedd Alert si nous faisons tuer tout le monde pour un job minable ? »

« Un job minable...? » Les yeux de Gavin étaient écarquillés et blancs sur les bords. « Tu dois te réveiller, Walt. C'était notre seul travail. J'ai la moitié des vaisseaux de l'équipe avec des morceaux qui se détachent. Boomer n’a plus rien d’autre que sa combinaison de vol. Nous ne pouvons plus changer de système pour détourner le prochain vaisseau qui passe. C'est ce pour quoi nous avons signé, mec. »

Walt commençait à voir rouge de nouveau. Il savait qu'il aurait dû s’éloigner, mais Gavin passait encore à côté de l’essentiel. « Je sais ce que j’ai signé. » Il savait qu'ils devaient trouver du travail, mais pourquoi mourir en essayant juste de payer les agents de recouvrement ? « Et je me souviens aussi pourquoi j’ai signé. »

Gavin fit un pas de plus. Plus proche. « Ah ouais ? Et Pourquoi ? »

« Pour toi, Gavin. »

« Alors tout est de ma faute ? Parce que je t’ai incité à me rejoindre. »

« Ce n’est pas ce que je veux dire. »

« Je sais que j'ai foiré la paie pour ce travail. J'aurais dû demander plus. Mais devine quoi ? Je ne l'ai pas fait. Et c'est tout ce que nous avions. »

Walt baissa la voix, se plaçant juste devant le visage de Gavin. « Ce n’est pas ce que je voulais dire et tu le sais. Je suis ici parce que tu veux tout ça. » Il enfonça un doigt ferme dans le torse de Gavin. « Tu le veux pour Dell. Parce que tu as peur qu’elle parte si tu ne réussis pas. »

Et Gavin se jeta sur lui.

Ils tombèrent lourdement et la tête de Walt craqua contre le pont au moment de toucher le sol. Gavin était trapu et avait le physique d’un défenseur de Sataball, mais Walt avait de l’allonge et du poids. C'était une dichotomie qu'ils avaient mise à l'épreuve cent fois depuis qu'ils étaient garçons, avec des résultats presque toujours constants. Mais Gavin ne savait tout simplement pas quand abandonner.

La lutte fut brève et moche. En quelques secondes, Walt avait coincé la nuque de son frère avec un des ses bras, s’appuyant sur le pont avec l’autre. Le visage de Gavin était maintenu sur l’acier froid du sol du hangar.

Soudain, le bout éraflé d’une botte de travail noire écrasa douloureusement les doigts de Walt. Son emprise sur Gavin se relâcha et le petit homme commença à se dégager. C’était du moins jusqu’à ce que la tête d’une grosse clé frappe l’épaule de Gavin, le rejetant à terre, le visage à plat sur le pont.

« Oomph. »

« Calme, calme, les garçons, » dit Dell. « Qu’est ce que les voisins vont penser ? »

Walt grimaça, grinçant des dents alors qu'elle maintenait ses doigts contre le pont en acier. Il tourna la tête pour la regarder. Les bottes de D’lilah étaient serrées par des lacets roses à motif de tête de mort blanc cousu à l'intérieur. Elle portait une combinaison de toile usée qui serrait ses jambes fortes, ses poches gonflées par des outils et des pièces de rechange. Ses cheveux noirs en queue de cheval passaient devant une épaule et elle avait teint les derniers centimètres d'un bleu électrique éclatant. La couleur était nouvelle depuis leur départ pour Oberon. C’était une teinte espiègle qui n’était pas reflété dans le bleu furieux de ses yeux.

« Oh. Salut, Dell. » Walt lutta pour n’avoir qu’une légère teinte de douleur dans sa voix. « Bonjour à toi aussi. »

« À moins que les prochains mots qui sortiront de ta bouche me disent où est mon père, tu vas manier ton manche avec ta main gauche. »

Gavin lui répondit. « Du calme, Dell. »

« Qui l’a récupéré ? »

« Moi. » Gavin hocha la tête en direction de son vaisseau.

« Bien. » Elle leva son pied et Walt tira sa main en arrière pour se frotter les doigts. Il la fixa, du regard le plus acerbe qu’il put pour quelqu’un à genoux sur le pont. Son sourire feignait une douceur qui ne dissipait en rien la fureur glacée dans ses yeux. « Je vais chercher le buggy. Si vous avez fini vos embrassades, il semblerait que mon père ait rendez-vous avec les techniciens du centre médical. »

Dell posa la clé sur une épaule, pivota sur la plante des pieds et s'éloigna.

Gavin se retourna sur le dos avec un gémissement. « Cette femme va nous tuer un de ces jours. »

« Tu penses qu’on pourrait lui échapper ? »

« Toi, peut être. Il n’y a pas dans l’Univers un trou assez sombre pour m’en cacher. »

« Ouais, eh bien, » se redressa Walt avec un grognement, « c'est ta faute si tu l'as épousée. »

Plusieurs systèmes plus loin, sur une station beaucoup plus grande et mieux équipée que Vista Landing, Morgan Brock se renfrogna devant une série de chiffres sur son mobiGlas. Elle leva les yeux et passa son regard par dessus l'écran pour regarder Riebeld. Le vendeur s’étendit négligemment dans ce que Brock savait être une chaise inconfortable. Elle s’était assurée que c'était inconfortable, afin que personne ne se sente en confiance en s’asseyant face à son bureau.

Riebeld y parvint cependant. C'est ce côté fanfaron qui faisait de lui un si grand atout pour sa compagnie. Irritant, oui. Mais bon pour les affaires.

Elle éteignit le mobiGlas. « Les bénéfices nets sur cette estimation sont basés sur une commission de douze pour cent. »

« Oui M’dame. »

« Je pense que nous savons tous les deux que ta commission négociée est de dix, Riebeld. »

« Et je pense que nous savons aussi tous les deux que ce travail pourrait doubler la taille de l'entreprise en deux ans. » Il s’avança sur son siège alors et se pencha sur son bureau. « Je veux douze si je l'apporte. »

« Et tu penses que je vais te les donner comme ça ? »

« Je sais que vous le ferez. »

C'était à son tour de se pencher en avant. Cela la mettait trop près de lui et il aurait dû reculer. Il n’en fut rien. « Et pourquoi, » demanda-t-elle ?

« Parce que je sais que vous ne laisserez pas des principes faire obstacle au profit. » Son large sourire était assez brillant pour dévier des lasers. Elle était habituée aux sourires prédateurs des hommes, mais avec des hommes comme Riebeld, cela signifiait simplement qu'il y avait de l'argent en jeu. Son mobiGlas sonna à côté d'eux. Riebeld avait un appel entrant.

Il l’ignora.

Elle attendit que la sonnerie s'arrête.

Elle s'arrêta.

« D’accord pour douze, » dit-elle. « Mais quiconque aide à le récupérer est payé à partir de votre part, pas de la mienne. Et je veux trois options de prolongation d’un an. Pas une. Apportez-le-moi avec trois ou je ne le signerai pas. »

« Marché conclu. »

« Bien. Maintenant sortez. »

Il sortit et Brock se radossa sur sa chaise. Elle allait avoir besoin de plus de vaisseaux. Riebeld aurait les extensions ou pas. Il avait quelque chose sur quoi travailler, et il se serait relâché s’il n’avait pas eu de défi.

Les bons vendeurs étaient comme des chevaux de course, exigeants en termes d’entretien et un fort tempérament. La plupart du temps, ils n'étaient rien de plus qu'une épine dans le pied. Le jour de la course cependant, vous en voulez toujours un dans votre écurie.

On frappa à sa porte. Riebeld n’attendit pas qu’elle réponde pour montrer sa tête.

« Je ne bougerai pas sur les options, Riebeld. Je veux les trois ou il n’y pas d'accord. »

« Non, » dit-il. « Ce n'est pas ça. Navy SysCom vient de relancer un appel d’offre sur notre contrat de Tyrol. »

« Quoi ? »

« Ouais. Nous avons le droit de refaire une offre, mais ils le mettent en concurrence ouverte. »

« Pourquoi diable feraient-ils cela ? » Escorter des scientifiques de l'UEE vers des installations de recherche sur Tyrol n'était pas leur plus gros contrat, mais elle y avait investi beaucoup de travail. Ils avaient passé des années à nettoyer les voies de navigation dans le système Charon - des années lucratives, certes - et maintenant, les missions n’étaient plus que du profit et promettaient une belle croissance dans l’avenir.

« Je ne connais pas encore toute l’histoire, mais apparemment, ils essaient de confier les contrats à faible risque aux entreprises locales. Un expert en comptabilité a identifié Tyrol comme candidat et BOUM, Major Greely a retiré le contrat. »

« Vois ce que tu peux trouver, » dit-elle. « Et commence à travailler sur la nouvelle offre. »

« Je suis déjà dessus. »

« Et Riebeld ? »

« Ouais ? »

« Trouve-moi le nom de ce comptable. »

Il était tard quand Gavin quitta la station. En guise d'excuse, il invita Walt à se joindre à lui lors de son bref voyage à Cassel pour rencontrer Barry Lidst. Impossible de savoir si Walt était venu pour se réconcilier ou simplement pour éviter une autre confrontation avec Dell. Quoiqu’il en soit, il ne semblait pas enclin à parler de leur dispute pendant le vol, et Gavin ne voyait aucune raison de l’évoquer.

Barry, comptable de NavySyscom par profession et faiseur de pluie pour les indépendants par inclinaison, avait grandi avec les frères. Il avait quitté Goss pour rejoindre la Navy tandis que les garçons de Rhedd restaient pour faire des trafics clandestins avec Boomer et leur père avant son décès.

Officiellement, Barry était responsable de la négociation des contrats entre la Navy de l'UEE et des fournisseurs privés, mais il réussit également à négocier quelques emplois officieux à côté. C’était par dessus tout un opportuniste, et Gavin lui faisait à peu près autant confiance qu’il faisait confiance aux personnages louches avec lesquels ils avaient travaillé dans le passé. C’est à dire pas du tout.

Le fait que Barry ait été en relation avec Dell avant de rejoindre la Navy n’avait pas du tout influencé son opinion. Non, pas le moins du monde. Pourtant, Barry leur avait donné leur premier emploi légitime. Avec de la chance, il en aurait eu d’autres.

Gavin déglutit difficilement, se concentrant sur le fait qu'ils avaient besoin de travail. Walt resta silencieux. Au moment où Cassel émergea, massive, bleue avec les bandes dorées et turquoise de l'Olympus Pool, Gavin sentit ses sourcils se froncer.

Les deux frères atterrirent et se dirigèrent vers un club destiné à la population locale de ce monde touristique. C'était bondé, bien sûr, mais Barry les attendait et avait réussi à trouver une table disponible.

« Je commençais à croire que vous aviez lâché à Oberon. » L’uniforme naval de Barry avait été confectionné dans une matière brillante fraîchement repassé ou conçue pour ne pas froisser. Cela avait l'air vraiment inconfortable, mais réussissait assez bien à dissimuler un ventre bedonnant.

« Oberon a pris un peu plus de temps que prévu, » Gavin se força à sourire, « mais nous les avons eus. »

« Tout va bien ? »

« Absolument. » Il mit de la confiance dans ses mots et espéra que cela sonnait sincère. Walt le regarda brusquement, mais Gavin l'ignora. Ils devaient paraître compétents, sinon les bons emplois seraient rares. « Les pirates ne sont pas un problème. »

Barry leur fit signe de s'asseoir et sa voix prit une note sombre. « On dit que le père de Dell s’est fait démolir. Il va bien ? »

« Bon dieu, Barry, » dit Walt. « Comment as-tu entendu parler de ça ? »

« Je suis le gouvernement. Nous avons nos yeux et nos oreilles partout. » Gavin le regarda et leva un sourcil, attendant. « Ouais. Eh bien… » Barry haussa les épaules et prit une gorgée de son verre, « ces mineurs d'Oberon auraient peut-être du mentionner quelque chose. »

« Boomer va bien. Nos vaisseaux ont pris plus que lui, » Gavin évita le sujet des membres de son équipe qui se faisaient descendre en mission. « J'ai été surpris d'apprendre que tu étais dans le système Goss. »

« Maman a pris sa retraite ici, à Cassel, » déclara Barry. « Je ne fais que visiter ici. Je ne peux pas supporter tout ce trafic touristique, mais elle adore les spectacles et expositions. En tout cas, je suis content que vous ayez pu aider à Oberon. »

« Nous aussi. »

« Des trucs comme ça se présentent de temps en temps » déclara Barry. « Ce n’est pas comme si nous ne voulions pas nous en occuper nous-mêmes ou quoi que ce soit. Nous le faisons. Mais la Navy ne peut pas envoyer des hommes après chaque bandit ou voyou dans l’univers, vous voyez ? Surtout quand ils campent dans un système non revendiqué. Donc voilà. Cela ne dérange personne si nous confions ces missions à des indépendants comme vous. »

« Bien, » dit Gavin, « nous sommes un peu à court de boulot. Tu as quelque chose pour nous ? »

« Je pourrais avoir quelque chose - pas un travail pour l’UEE, mais ça reste un travail décent. Et je sais que le client sera satisfait de vos tarifs. »

Le cœur de Gavin rata un battement, mais peut-être qu’ils pourraient augmenter leur prix sans faire fuir Barry. Il encouragea le comptable à continuer.

« Le boulot est à côté, à deux sauts d’ici. C’est un travail difficile, mais je peux vous mettre en contact si cela vous intéresse. »

« C’est quoi le boulot ? » demanda Walt.

« Vous avez déjà entendu parler du molybdène ? » Le visage de Gavin devait être aussi vide que celui de Walt. « Non ? C’est un métal rare utilisé dans l’électronique et d’autres trucs. Il se trouve près des gisements de cuivre. Vous savez quoi ? Peu importe. Un de mes amis connaît un type qui vient de mettre la main sur les droits miniers d’une lune. »

« Du minage, » murmura Walt. « Pourquoi c’est toujours du minage ? »

« Je suppose que toute la lune est criblée de tunnels et de cavernes. Apparemment, il y avait un tas de cuivre là-bas, mais maintenant tout est parti. La seule chose qui reste est le molybdène. Ce gars, il a trois semaines pour commencer à produire ou il perd son bail pour le prochain prospecteur sur la liste. »

« Barry, » déclara Gavin, « si tu recherches une équipe pour porter des casques de sécurité et des pioches, tu te trompes de personnes. »

« Nan, ce n’est rien de tout ça. Ils sont vides maintenant, mais quelqu'un a aménagé les cavernes comme base fortifiée. Des contrebandiers, probablement. Ils y ont mis des tourelles à ciblage automatique. Mon gars m'a dit qu’il y en a partout. À chaque coin. En tout cas, c’est de la technologie Banu. Un groupe d'entre eux doit avoir sauté depuis Bacchus. »

« Donc c’est quoi le boulot ? »

« Ils ont besoin de quelqu'un pour tout passer au peigne fin et s’occuper des tourelles. Ils ne peuvent pas envoyer de matériel minier ni d’opérateurs tant que tout n’est pas sécurisé. Ces gars-là n'ont pas de boucliers. »

« C’est tout ? » demanda Gavin.

« Yep. C’est tout. »

Walt regarda Barry de l’autre côté de la table d’un air déconcerté. « C’est le travail le plus ennuyeux dont j’ai jamais entendu parlé. »

« Hé, » dit Barry, « si vous voulez quelque chose avec un peu plus de chances de combattre, j'ai un contrat d'escorte de l'UEE en appel d’offre. L'entrepreneur en place nous plume. J'ai finalement convaincu le major de reproposer le contrat. »

Maintenant, ça sonnait exactement comme le travail dont Rhedd Alert avait besoin.

« Dis m’en plus à ce sujet » dit Gavin. « A propos du de l’escorte je veux dire. »

« Je, euh écoute, » dit Barry. « Je n’étais pas vraiment sérieux à ce sujet. Pas d’offense, mais c'est une escorte armée à travers des systèmes assez difficiles. »

La Voila... La chance dont ils avaient besoin. « Nos gars peuvent le faire, » déclara Gavin.

« C’est un petit truc pour l’instant, mais il est prévu que ça devienne quelque chose de grand. Je ne sais même pas si vous avez assez de vaisseaux pour répondre aux exigences du contrat. »

« Laisse-nous une chance. Si on est bons, je trouverai des vaisseaux et des pilotes supplémentaires. »

« Les groupes qui participent à des opérations de ce genre sont généralement d'anciens militaires. Hautement formés. Avec beaucoup de contacts dans Navy SysCom. La plupart des sous-traitants que nous engageons sont basés à proximité de la Navy dans le système Kilian. Je plaisantais, les gars. Oubliez ce que j’ai dit. »

« Non, on peut le faire. C’est quoi le parcours ? Combien — »

« Gav, » interrompit Walt, nous parlons de formations et de tactiques de vol. Systèmes d'armes supérieurs. Peut-être devrions-nous avoir plus d'informations sur le problème de tourelles dans la mine de mélaminé.

« Molybdène. »

« Peu importe. »

« Allez, Walt. Cela semble parfait pour nous. Et je vous mettrais, toi ou Jazza, à la place d’un ancien pilote de la Navy sans hésiter. N’importe quel système, n'importe quand. »

« Les gars... hé, écoutez, » dit Barry. « L' UEE tente de faire en sorte que le travail local soit confié à des entrepreneurs locaux. Les grandes entreprises de défense se battent contre ça. Si vous avez envie de mettre le nez là-dedans, je vous ferai parvenir l'appel d'offres. Ça vous va ? Pendant ce temps... à propos de mon copain avec la mine sur une lune ? »

Gavin suivait à moitié pendant que Walt et Barry discutaient du travail des tourelles, mais dans son esprit, ils escortaient déjà des vaisseaux de l'UEE dans un espace hostile. Walt le sortit de sa rêverie quand il fit taire un Barry surpris.

« Attends, dit Walt, reviens en arrière. Ces systèmes d'armes Banu. Tu as dit que ces trucs proviennent de Bacchus ? »

« Probablement. Pourquoi ? »

« Cette lune... Barry, où est elle ? »

« Oberon VI, pourquoi ? »

Le cœur de Gavin rata un battement une fois encore. Un coup d'œil à Walt ne fit rien pour le rassurer. Le sourire de son frère semblait incroyablement tendu.

« Ah, allez, » dit Barry. « Vous avez déjà fait du du bon boulot pour ces gars. »

« Ils vont nous tuer, » dit Walt.

« Nan, » Barry fit un léger signe de la main, « Ils adorent Rhedd Alert. »

« Non, » dit Walt « pas les mineurs. »

« Qui ? » Barry semblait s'intéresser au sujet désormais. « Qui va vous tuer ? »

Gavin répondit. « Notre équipe va nous tuer si nous les ramenons à Oberon. »

« Hé, » détendit Barry, « l’univers est petit. Vous allez finir par y passer tôt ou tard. Autant être payé pour le faire. J’ai raison ou pas ? »

« Ouais, » dit Walt, « mais Oberon ? »

« J’ai mentionné que ça payait bien, n’est-ce pas ? » Barry tapa quelque chose sur son mobiGlas. Il le tourna pour qu'ils puissent lire l'affichage projeté. En bas il y avait un nombre. Un nombre non négligeable. Gavin fixa ses mains alors que Walt était absorbé par les chiffres.

La tête de Walt fit un bruit sourd quand elle frappa la table. Il gémit quelque chose d'étouffé puis lâcha : « Je ne peux pas croire que nous retournons à Oberon. »

À SUIVRE…

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