La connaissance du bien et du mal : quatrième partie

Note de l’auteur : La Connaissance du Bien et du Mal : Quatrième Partie a été publiée dans le Jump Point 2.12. Rattrapez l’histoire en lisant les première, seconde et troisième parties.

« Pardonnez-moi. » J’ai froid, même si je sais que ça ne vient pas de l'air de la bibliothèque. Mon doigt est sur le point d’appuyer sur le bouton du petit cube noir et sans trait distinctif de Dirk. Ma prière marmonnée résonne dans mes oreilles. Quelqu’un d’autre répond alors que je sens une main se refermer sur mon poignet.

« Te pardonner pour quoi ? »

Je me retourne et me retrouve face à mon interlocuteur alors que j’arrache mon poignet de l’étreinte et tombe au sol. S’per M’man se tient au-dessus de moi telle une tour sombre.

« Pourquoi demandes-tu le pardon, ma petite ? Qu’est-ce que cet appareil ? » Ses mots sont doux mais avec une nuance d’acier.

Non. N’importe qui sauf elle. Je peux être ralentie, humiliée ou attrapée, mais pas par elle. Pas S’per M’man. Je ne peux pas…

Je m’effondre en réalisant que je devrai soit mentir à S’per M’man pour pouvoir la trahir encore, soit admettre que je lui ai déjà menti et que je suis sur le point de détruire le caveau sacré pour Dirk.

« Qu’est-ce qui ne va pas, ma petite ? » S’per M’man commence à m’aider.

Je crie. « Non ! » Je peux à peine parler entre mes sanglots. « Non, ne m’aidez pas. Vous ne pouvez pas. À cause de ce que Dirk… »

« Dirk ? L’homme pour qui tu travaillais dans le Bazaar ? C’est lui qui t’a attaquée ? Qu’a-t-il fait ? »

Je ne sais pas quoi faire d’autre. « Il n’a pas… Pas encore. Mais… Si je n’efface pas le caveau, il va tuer les enfants. » J’ai le souffle court.

Je pointe le cube inactif du doigt. « Si je n’utilise pas cette chose pour griller le caveau, Dirk les tuera tous. »

Elle me regarde avec une rage que je n’avais jamais vue, mais finit par détourner ce regard qui me paralysait. Elle avance jusqu’au bureau, prend le cube et l’étudie. Je ne me suis jamais sentie aussi sale et coupable de toute ma vie. Les nuits passées à dormir dans les détritus étaient plus propres que ça.

« Tu vas expliquer tout ça, petite. Immédiatement. »

« Je… Je. » Je déglutis, ferme les yeux et serre les poings. Je lui ai déjà menti. Je ne peux pas le faire à nouveau.

« J’avais une vieille dette envers Dirk. Il m’a retrouvée. Il a dit que j’allais enfin le rembourser. Il savait que j’étais avec les Sœurs. Il a menacé de faire du mal aux enfants de l’école si je ne faisais pas ce qu’il demandait. J’ai rapporté ça, » je pointe le cube, « avec moi. »

Je cherche un quelconque signe de sympathie, mais je n’en vois aucun. Elle s’est détournée de moi et n’a d’yeux que pour la chose dans sa main.

« Je ne l’ai pas fait ! Je l’ai étudié, le cube, et j’ai trouvé ce qu’il faisait. Je ne pouvais pas faire ça. Je ne pouvais pas le laisser attaquer le caveau. Donc je l’ai rapporté et je lui ai dit que je ne le ferais pas. Et ensuite il m’a assommée ainsi que les autres, et maintenant il a kidnappé les enfants, et si je ne le fais pas il les tuera ! »

Sans m’en rendre compte, je suis presque en train de crier à la fin de cette tirade, mon impuissance s’exprimant enfin au travers d’une colère lasse.

Le silence est lourd et étouffant. Mon cœur tambourine à mes oreilles.

« Tu nous a menti à propos de ce qu’il t’arrivait et ça a mis les enfants avec qui nous nous sommes liés d’amitié en danger mortel. Si tu nous en avais parlé plus tôt nous aurions pu faire en sorte que les autorités s’occupent du problème bien plus vite. À présent, leurs efforts pourraient déjà bien être inutiles. Et ça ? » Elle me tend brusquement le cube. « Savais-tu ce que ça ferait, donc, si tu l’allumais ? M’as-tu menti à propos de ce que tu savais ? »

« Oui. »

« Alors tu nous a toutes attaquées. Il n’y a rien que je puisse faire pour toi. » S'per M'man sort son mobiGlas et y entre des commandes.

Je reste là où je suis tombée, incapable de me motiver à bouger. Rapidement, quatre Sœurs arrivent et me relèvent. S’per M’man me tourne le dos sans m’accorder un autre regard. Les Sœurs m’escortent hors de la bibliothèque, mais je remarque qu’elles ne me reconduisent pas aux chambres.

Nous arrivons à la porte qui mène au monde extérieur et une autre Sœur, la Revenue, nous rejoint avec un grand sac. La capuche de son habit est relevée. Je réalise soudain qu’elles ont toutes leur capuche relevée. Comme elles le font quand elles sont avec des étrangers.

« Oh, mon dieu, non ! » dis-je à voix haute alors que je voulais que le penser.

Elle me fourre le sac dans les bras.

Je n’ai plus assez d’énergie pour de nouvelles larmes.

« Tu dois partir, maintenant. »

L’énorme porte s’ouvre sur les premières lueurs de l’aube dans le ciel. Les autres Sœurs reculent. Je me tourne pour partir, mais je n’en ai pas envie. Chaque pas me donne l’impression d’une nouvelle punition.

Alors que je franchis l’encadrement de la porte, un souvenir me revient soudain en mémoire de l’enfant maltraité et blessé que Dirk tenait. Puis mon esprit conjure des choses bien pires qui pourraient leur arriver à présent. Est-ce que S’per M’man pense que les Bleus se préoccupent d’une bande de rats des rues qui manque à l’appel ? Ils appelleront tous les refuges de la ville mais ne poseront pas un pied dans les rues sales de Bazaar pour les retrouver réellement.

Mon dos se raidit et je me retourne pour dire quelque chose.

Les Sœurs sont parties et seule reste la porte se refermant sur ma vie passée à leurs côtés.

Cela ne sert à rien de regarder une porte se fermer alors que je dois trouver les gamins. Je ne sais même pas combien de temps j’ai. Dirk pourrait ne pas être assez patient pour attendre une semaine avant de leur faire quelque chose. S’il ne l’a pas déjà fait pour se simplifier la vie. Je sors mon mobiGlas de mon sac et ignore le tiraillement de remord alors que je me souviens d’où il vient et pourquoi. Je ne serai d’aucune utilité aux gamins si je ne suis pas assez forte pour m’occuper de moi-même.

Rien qu’à rester là, le sac commence à me peser et je me souviens que je n’ai pas dormi depuis... Je ne sais plus combien de temps.

Mais il est temps de traquer Dirk et de récupérer mes gamins.

Je dois retourner dans la rue. J’ai utilisé beaucoup de vieilles informations et ce que je sais de Dirk ne colle pas avec ce qu’il s’est passé. Attaquer les Sœurs n’a pas de sens pour un chef de Bazaar. Et depuis quand un Chef kidnappe des gamins et profère des menaces de mort ?

Son ancien magasin est un stand de nouilles à présent. J’avais vérifié ça quand j’ai commencé à enseigner à l’école avec les Sœurs. Presque personne ne se souvient que c’était un magasin de tech.

J’ai l’impression d’avoir deux coups de retard. J’ai joué le jeu de Dirk tout du long et ça ne m’a apporté que des problèmes. J’étais et suis toujours un rat des rues et je peux m’en servir. Les rues sont dures et on ne grimpe pas sans se faire d’ennemi. Si j’arrive à en apprendre plus sur la réputation de Dirk, je pourrais avoir une meilleure idée d’où il opère. C’est ma priorité numéro 1. Trouver les gamins.

Un plan commence à se former dans mon esprit. Dirk est comme moi. Il vient de la rue. Quelle qu'ait été son ascension sociale, il a probablement des affaires non résolues dans Bazaar et, si je peux les trouver, elles pourraient bien me mener là où il retient les gamins.

« J’arrive. Tenez bon. »

Je suis sur le rail dès l’aube, en route vers Bazaar Street. Je descends deux arrêts plus tôt et je repère quelques enfants des rues en marchant mais la plupart détalent quand ils remarquent que je les regarde. Ils ont l’air d’avoir l’habitude d’être poursuivis, puisqu’ils sont proches des endroits dont les Bleus et les commerçants se soucient. Je passe quelques heures à éviter les rues principales et à examiner les ruelles à la recherche du bon enfant à approcher.

Je finis par choisir une gamine plus âgée, treize ans plus ou moins, traînant à l’entrée d’une ruelle comme si elle avait une raison d’être là. Elle a aussi une trousse à outils. Bingo. Je m’approche d’elle. Je suis encore suffisamment éloignée du Bazaar pour espérer qu’elle ne me reconnaisse pas si elle est déjà venue à l’école. Les enfants des rues essaient de tous se ressembler et ont tendance à y parvenir plutôt bien. La gamine me voit approcher et se redresse, prête à parler ou s’enfuir.

« Hé, rat. J’ai besoin d’verrouiller une info. J’ai un nom. Besoin d’un lieu. »

« Ah. L’creds parlent, m’dame. C’po gratos. L’creds d’abord. »

La gamine pointe une corniche sur le mur à côté d’elle. Son argot est différent de celui dont j’ai l’habitude, presque celui de Bazaar, mais j’en comprends suffisamment le sens. Je dois la payer d’avance et placer la somme en évidence si je veux obtenir mes informations. Elle s’assure que je ne suis pas un Bleu et fait de moi une cible si je sors trop d’argent. Malin. Je n’ai pas beaucoup d’argent, juste dix crédits. Je les sors et les place sur la corniche. La gamine m’observe, puis attrape la puce.

« C’quoi l’pseudo qu’v’z’avez à tr’ver, Haute ? »

« Chef Dirk. » La gamine fredonne gaiement et danse. Elle se frotte même le menton alors qu’elle “réfléchit”.

« Ouais… Nom d’vioque ça. Pis faux. Dirk l’est po un Chef. Dirk est un Grand. L’est là d’puis un bail. Tech, surtout... »

Dirk, un Grand Chef ? Ça veut dire beaucoup de crédits et une équipe qui travaille pour lui. Il n’y avait que deux Grands dans tout Bazaar quand j’étais un rat. Est-ce que Dirk en a supprimé un et pris sa place, ou a-t-il créé son propre territoire ? Trop compliqué, j’ai juste besoin des bases pour le moment.

« J’ai besoin d’un lieu, j’ai une affaire avec lui. Du genre brutal. »

« L’reste c’d’la vap’, Haute. Po facile à scan. »

La gamine pointe à nouveau la corniche. Je l’ai déjà payée plus que nécessaire et elle le sait.

« Écoute, tu me dis où et tu auras cinquante creds de plus quand j’en aurai fini avec Dirk. Marché conclu ? »

Cette fois, elle réfléchit réellement pendant quelques instants. Même si elle a un chef qui prend une part, cette somme ferait sa semaine. Peut-être son mois.

« Ouais… Y’a qu’jactent qu’y crèche aux tours. D’aut’ qu’y crèche d’dans Black Street. J’verrouille qu’l’a l’deux. L’truc d’la tour c’la façade pou’c’qu’il a sur Black. Une boutique d’récup d’compos au noir. Un truc d’gang p’têt. »

Je connais l’endroit par son nom et par la peur qui m’a a été inculquée quand j’étais un rat des rues. Personne ne va à Black Street. J’active la carte sur mon mobiGlas. « Où dans Black Street ? »

« J’sa po, m'dame, j’a d’la vape su’... »

Elle esquive encore pour essayer d’obtenir plus de creds. J’ai déjà promis ce que je ne possède pas. Je ne peux pas contrer ça avec une nouvelle promesse vide. Je dois lui offrir autre chose. Sa ceinture à outils est du genre soudure, mais sans chalumeau dans l’étui. Elle a quelques outils tech, mais la plupart sont plus lourds, comme pour le travail sur véhicule ou sur vaisseau. Elle est assez âgée pour pouvoir obtenir du boulot à l’entrepôt de soudure ou au spatioport commercial. Travailler là-bas permet d’obtenir des certifications. Ce qui signifie un salaire et un travail stable. Ils prennent les amateurs et les forment, mais n’en font pas la publicité. C’était mon plan de retrait depuis quelques années. Peut-être que ça sera suffisant.

« J’verrouille qu’t’as des outils d’vaisseaux. Qu’est c’qu’un rat fait ‘vec ça ? T’penses qu’les vaisseaux peuv’ t’sortir d’là ? Comment qu’t’vas trouver d’taf su’d’vaisseaux ? J’conna d’soudeurs qu’taffent su’d’vaisseaux. Faut s’voir souder. T’sa utiliser un ch’lumeau ? »

Le changement soudain de sujet prend la gamine par surprise. Elle détourne le regard, essayant de trouver une réponse à toutes mes questions.

« J’vais un ch’lumeau ! J’l’a ‘changé cont’ d’médocs quand j’tombé malade l’dernier froid. » La colère dans sa voix n’est qu’un déguisement pour sa souffrance. Devoir échanger un bien précieux contre des médicaments. Que la dépression ne l’ait pas tuée après en dit beaucoup.

« Je t’échange une info pour une info. Le spatioport a toujours besoin de soudeurs. Ils te formeront et te permettront d’obtenir les certifs de base. Tu utilises leur équipement et tu es payée tous les jours. Pour de vrai. Je compte faire ça mais j’ai une affaire à régler avec Dirk d’abord. Tu as ton info maintenant. Donc, tu en as une pour moi ou pas ? »

C’est mon dernier jeton dans un jeu que je suis en train de perdre. Je n’aurai probablement pas de seconde chance sans plus de crédits pour engager les choses. La gamine me fixe durement pendant un moment. Elle essaie de mesurer la valeur de ce que je lui ai dit, de savoir si je lui ai menti.

« L’rats et l’z’ateliers savent pou’ l’Grand Dirk. L’a fait d’z’annonce d’dans tout l’coin p’ceux qu’voudraient taffer pour lui. Dirk l’scan deux fois cas z’où c’s’raient d’Gouv ou d’Bleus et l’bouge à huit cent oues’, seize mille sud. »

Elle tapote ma carte pour marquer l’endroit.

« J’eu l’info d’un rat qu’a couru. Y’a d’hangars autour pis une tour. L’seul endroit qu’est comme ça d’dans l’coin. Plein d’gens vont l’bas. R’viennent po. Y’a d’vaisseaux qu’viennent et s’font d’monter. D’aut’ r’partent. L’rat qu’a couru l’a dit qu’doivent taffer com’ d’fous pis qu’sont vendus aux ‘sclavagistes. »

L’information semble presque de première main. Cette gamine peut peut-être m’aider.

« C’est toi le rat qui s’est enfui ? Je pourrais avoir besoin d’un guide là-bas. »

Pas de réponse et elle a l’air de vouloir détaler maintenant.

« J’va po l’bas. C’dingo. T’passes par l’ouest et t’pass’ras l’cams facile. C’tout c’que j’dis. J’t’a po visé ‘vec un zap sur toi. T’un dingo d’Haute d’aller l’bas. L’Hauts z’ont rien à faire l’bas. »

La gamine me jette un dernier regard et s’éloigne dans la ruelle vers des lieux où je ne devrais pas la suivre. C’est une mauvaise idée de pousser dans ses derniers retranchements quelqu’un qui vient de vous aider dans la rue. Mes vieilles habitudes commencent à revenir alors que je vérifie les alentours et repère les yeux d’au moins une personne s’attarder sur moi plus longtemps qu’ils ne le devraient. Je parcours le reste de la foule du regard mais ne vois rien qui ressemble à une embuscade. Je me sens paranoïaque. Si Dirk est vraiment un Grand il pourrait avoir des gens n’importe où.

J’ai des frissons à penser ça, et le commentaire de la gamine à propos du fait que je n’ai pas d’arme résonne dans ma tête. Je remonte ma capuche et vérifie que la carte a sauvegardé l’emplacement de l’atelier de démantèlement de Dirk. Je fais en sorte d’éviter la zone près des yeux trop insistants en partant et ne regarde pas derrière moi. J’ai une piste, même si c’est un piège. Je suis toujours l’unique espoir pour mes gamins.

J’espère juste que je n’arrive pas trop tard.

L’endroit que je surveille doit être à Dirk. Il correspond à la description et il se situe dans la zone la plus dangereuse de Bazaar, où même les rats ne vont jamais. Les Bleus ne viennent pas ici, c’est pas comme s’ils se préoccupaient de Bazaar ou des rats. J’ai vu trois corps au sol sur le chemin jusqu’ici. Pas moyen de vérifier s’ils sont vivants ou morts sans risquer de se faire poignarder pour avoir interrompu le trip de quelqu’un. Mon perchoir dans le vieil entrepôt d’alimentation abandonné en face du site est glacé et l’odeur rend le goût du sandwich que j’ai volé désagréable. Je ne réussis qu’à avaler quelques bouchées et mon estomac se rebelle même contre cette petite quantité.

De là j’ai réussi à capter quelques transmissions provenant de la tour de bureaux à quatre étages, ainsi que des systèmes anti-incendie et des alarmes du hangar. En revanche, mon antenne directionnelle a trouvé un point mort dans le bâtiment administratif. Premier étage, coin nord-ouest. Partout ailleurs, il y a au moins un signal quelconque qui est émis. J’ai même le numéro de modèle et la commande d’accès du robot aspirateur situé à proximité, mais cette zone est morte. Comme si quelqu’un essayait de cacher quelque chose à cet endroit. C’est ma meilleure option.

Pendant que je planifie mon approche, je vois des gens armés circuler entre les hangars et le bureau. Ils encerclent environ deux fois leur nombre en adultes qui n’ont pas l’air en très bon état. Je vois l’un des membres du groupe qui se fait mener tourner et tenter de courir vers la clôture. Il ne fait pas dix pas avant qu’un tir ne l’atteigne dans le dos.

Il tombe à terre, propulsé par la force du coup qui l’a atteint. Je suis heureuse de ne pas entendre les sons qu’il fait en convulsant au sol. Au moins, il est toujours en vie, me dis-je sombrement. Les gardes l’attrapent par les bras et le traînent jusqu’au hangar. Ils n’ont pas l’air de l’emmener voir un médecin. Les brutes de Dirk ne rigolent pas.

Après avoir vu tout ça, je décide de faire quelques modifications à mon étourdisseur récemment acquis pour lui donner un peu plus de punch. J’ai piqué ce pistolet étourdissant bon marché à un riche gamin Haut que j’ai vu prendre des vids des gens de Bazaar comme si c’était une sorte de zoo. Il pourrait cramer à sa première utilisation, mais je dois prendre ce risque.

Cela ne m’a pris que quelques heures pour arriver ici, me préparer et trouver tout ça. J’ai passé un appel à S’per M’man, mais elle n’a pas répondu. Je ne peux pas la blâmer. Les Sœurs m’ont verrouillée hors des systèmes du couvent, mais j’avais un accès direct à mon programme éducatif que je n’ai jamais désactivé. Comme une connexion privée. Cela ne me donne accès qu’à l’équipement de cette pièce, mais c’est un moyen pour moi de faire passer un message dans le couvent là où quelqu’un pourrait le voir.

J’ai augmenté le volume sur les haut-parleurs et enregistré un message. Ce message inclut la vidéo de ce que j’ai vu plus tôt et explique ce que je fais pour que quelqu’un le sache même si je ne reviens pas. À présent, j’attends juste dans la puanteur, à me remettre en question.

Le soleil a enfin commencé à se coucher et mon excitation grandit à nouveau. J’ai trente minutes avant que la prochaine patrouille ne vérifie ce côté du périmètre. Si la gamine qui m’a donné cette information a décidé de me vendre, je le saurai bien assez tôt. Je vérifie à nouveau ma connexion à ma ligne de vie improvisée et me dirige vers la clôture. Là, je vérifie qu’elle ne soit pas électrifiée ou la présence d’une alarme, mais je ne trouve rien. Mes cisailles ne font pas grand cas du fil de fer et je me glisse au travers.

De rapides scans optiques et radio montrent qu’il y a des caméras dans la zone, mais aucune que je ne puisse éviter. Dieu merci pour les petits miracles. Il y a encore environ quinze mètres à découvert entre le hangar qui me sert de couverture et la porte menant à l’escalier de service que j’ai repérée. Je jette un œil au coin du hangar et vois que la porte principale est fermée. J’inspire profondément et avance vers l’immeuble de bureaux.

À la moitié du du trajet, j’entends le son des moteurs d’un vaisseau et je regarde en l’air. Des lumières d’atterrissage illuminent le sol un peu plus loin. Je me précipite vers la porte et observe le vaisseau apparaître puis s’éloigner hors de mon champ de vision. Le hangar d’où je viens s’ouvre et un camion rempli de gens armés en sort pour se diriger dans la même direction. Mon cœur accélère alors même que je sais que je n’ai pas couru si fort. Je dois garder mon sang froid. Je reporte mon attention sur la porte.

Un verrou standard non relié au réseau. Pas de risque de piratage, comme ça. Dommage pour eux, je suis ici. J’ouvre le panneau de façade et je me mets au travail. Mon contournement est presque prêt lorsque je remarque le bloc discret avec deux fils électriques dedans. Un explosif.

Je me mets à transpirer en réalisant à quel point je suis près de le déclencher avec ce que je m’apprête à faire. Comment ai-je pu être aussi stupide ? C’est dingo. Une bombe dans une porte ? J’étais sur le point de la faire exploser et les enfants seraient toujours en danger. Comment réussir si je ne peux même pas passer la première porte ?

Mes mains sont figées alors que je regarde ce qui se trouve devant moi. Cela me prend tout mon courage de ne pas partir en courant. Mon esprit s’accroche à des détails à propos de la porte pour remplacer mes envies de fuite. C’est une porte préfabriquée, comme celles des voitures du rail. Les portes comme celles-ci sont bon marché mais pas de mauvaise qualité. Ils économisent sur les fonctionnalités, pas sur la substance. Comme le fait de n’avoir qu’une source d’énergie.

C’est ça. Si je peux couper l’accès électrique du verrou, il se libérera comme dans les voitures du rail. Avec de la chance, pas d’électricité voudra aussi dire pas de boum. Cela ne me prend qu’une seconde pour trouver l’épais connecteur qu’est la prise de courant et l’attraper. Je prends une grande inspiration en la tenant, puis je tire fort. J’entends un pop et les indicateurs lumineux du panneau de contrôle s’éteignent. Pas de boum et je suis toujours là. Je relâche lentement l’air que je retenais. Je dois rester en mouvement.

Après quelques secondes supplémentaires à travailler frénétiquement dans le noir, je réussis à le bricoler pour que la porte reste ouverte pour mon retour. J’entends le son du camion qui revient juste avant que je ne me glisse dans l’escalier mal éclairé. Environ la moitié des lumières sont manquantes et les murs non peints affichent des tâches d’humidité et des traces de négligence. Pas une caméra en vue.

La porte du premier étage est high-tech mais toujours pas connectée au réseau. L’indicateur montre qu’elle est verrouillée. Le panneau d’accès est de l’autre côté. Je me creuse la cervelle pour trouver comment la franchir. Après quelques douloureuses minutes sans idée, je m’appuie dessus avec désespoir. Elle bouge. Le loquet n’avait pas dû s’enclencher.

Je n’y crois pas. Je l’ouvre juste assez pour faire rouler une sphère caméra, puis j’affiche le flux sur mon mobiGlas.

L’image montre un couloir blanc lumineux avec un ascenseur au bout et quelques autres portes. Je vois une caméra mais elle est pointée vers l’ascenseur. Deux hommes imposants avec des pistolets à la hanche sortent de la pièce la plus éloignée et entrent dans l’ascenseur. Je m’immobilise alors qu’ils ne peuvent pas me voir. Le voyant indique qu’ils descendent. Je prie silencieusement en espérant qu’ils sortent à la rencontre des nouveaux venus. Je trouve la porte qui a l’air de mener là où je vais. J’attends quelques secondes supplémentaires, puis je m’engage dans le couloir et me dirige vers ma cible.

Elle a une vieille poignée manuelle et n’est pas verrouillée. Mon cœur manque un battement à l’idée d’un piège. Je sors le pistolet étourdissant de son étui et j’ouvre la porte.

Je regarde autour de moi et me trouve seule dans une grande pièce. Je ferme rapidement et silencieusement la porte, entourée d’ordinateurs et de lumières d’écrans. Mon mobiGlas émet un bip. J’ai perdu ma connexion avec l’extérieur. Ma vision met à nouveau un temps à s’ajuster au faible éclairage, alors que je range l’étourdisseur.

Je me dirige vers la station qui semble la plus importante. C’est un terminal de surveillance des systèmes qui affiche des statistiques à propos de dizaines de sous-systèmes qui ont tous l’air d’être en train de tourner depuis cette pièce. Je m’assieds et me plonge dedans. L’installation est incroyable. Des cartes stellaires, des informations financières, des calendriers d’achats, même des informations sur le personnel de dizaines d’entreprises. Elles doivent toutes être fausses et contrôlées d’ici. C’est comme ça que Dirk blanchit sa récupération. La gamine avait dit qu’une partie de l’opération de Dirk était légale. Pas pour longtemps. Il y a une autre série d’informations ici, gardées à part. Des manifestes de vaisseaux avec des destinations dans l’espace Banu. Des images de personnes enchaînées les unes aux autres et des prix par expédition intitulées simplement “cargaison”. Je les parcours rapidement mais je ne vois aucun de mes enfants sur les images. J’en copie autant que je peux sur le stockage de mon mobiGlas. C‘est très bien tout ça mais ce n’est pas la raison de ma présence.

Après avoir creusé un peu, je trouve l’accès aux caméras et j’affiche tous les flux locaux.

J’en ai un des portes d’ascenseur de chaque étage, de l’entrée principale, de la porte d’entrée, d’une petite pièce avec une unique chaise au milieu et quelques-unes montrent des parties de la clôture. Le dernier flux que je vérifie n’est qu’une image entièrement noire. Il ne semble pas avoir sa place au milieu de toutes ces choses quelque peu spartiates à enregistrer. Je le vérifie à nouveau. C’est un flux en direct. Puis je vois quelque chose. Du noir qui se déplace dans l’obscurité. Quelque chose de petit. Quelqu’un.

Mon cœur fait un bond. Ça doit être eux. L’identification du flux est Stockage Hangar 4. J’avais remarqué que chaque hangar était identifié par un nombre peint sur le côté et je sais que le numéro 4 est du côté nord du bâtiment. Il est à l’écart de toute l’action qui se déroule en ce moment dehors, mais la seule entrée depuis l’extérieur est une énorme porte de chargement. J’affiche les contrôles pour la porte et essaie de l’ouvrir à distance. Je vois alors un indicateur rouge d’avertissement et le système se verrouille. Je dois avoir activé quelque chose !

Je dois sortir de cette pièce.

Ils pourraient déjà savoir que je suis là et si ce n’est pas le cas, ils le sauront bientôt. Je sors au pas de course et note mentalement le fait que mon mobiGlas émet un bip alors qu’il retrouve sa connexion au réseau.

Je me dirige vers le côté nord de l’immeuble et aperçois le hangar 4. Des lumières clignotent sur tous les bâtiments et une sirène retentit. J’entends des cris derrière moi et le son de moteurs de vaisseau qui se préparent au lancement. Je me dirige droit vers le panneau d’accès de la porte du hangar. Celui-ci est standard, comme celui de l’escalier, mais sans explosif cette fois. Je parviens à l’ouvrir après seulement quelques essais et me glisse dessous et dans l’éclairage de sécurité.

Une porte à l’intérieur porte une inscription en blanc indiquant “Stockage”. Je cours vers elle. Elle est également manuelle, mais elle est maintenue fermée par une chaîne.

Mes pinces ne peuvent pas couper quelque chose d’aussi épais. Je n’ai pas apporté de chalumeau. Une chaîne ? C’est ça qui m’arrête ? J’ai réussi à franchir des explosifs, à contourner des gardes et à fouiller dans des ordinateurs et maintenant je me retrouve bloquée par une chaîne ? Je donne un coup de pied dans le verrou, frustrée.

Des particules de rouille flottent depuis la chaîne vers le sol.

Le hangar mal entretenu a des parties rouillées un peu partout. Sur le sol, je remarque un tuyau d’environ deux mètres de long. Jackpot !

J’attrape le tuyau et examine la chaîne. Certains des anneaux ont déjà été réparés. Je me souviens du livre sur les matériaux que j’ai étudié. La chaîne a plus de chances de se briser que le tuyau à cause des liens soudés. Je lutte un peu pour le glisser entre la porte et la chaîne. Une fois qu’il est placé correctement, je pousse dessus de tout mon poids. La perche commence à se courber mais je maintiens la pression.

J’entends un pop. Puis un clang et la pression sur le tuyau se relâche, me faisant presque tomber. La chaîne et le verrou tombent au sol au même moment dans un grand bruit. Je me rattrape en saisissant la poignée de la porte que je tire vers moi.

La lumière en provenance du hangar éclaire la petite pièce alors que sept paires d’yeux me dévisagent. L’odeur d’excréments humains me frappe de plein fouet. Une enfant est allongée au sol. Tous les autres sont debout, dos au mur. Je peux voir les bleus. Les vêtements déchirés. La maigreur. La peur. Mais ils sont toujours vivants. Dieu merci, ils sont toujours vivants.

L’un d’entre eux murmure « Sœur ? »

Je réponds presque oui, mais l’expression de trahison sur le visage de S’per M’man me vient à l’esprit.

« Je suis là pour vous faire sortir. » Je tends ma main pour les encourager. « On doit partir avant que les gardes arrivent. »

Cela semble les atteindre. Un, puis deux de plus commencent à sortir de la prison sale dans laquelle ils ont été maintenus.

Un autre se tient au fond de la pièce près de l’enfant au sol qui n’a pas bougé.

« L’peut po marcher, » dit celui qui est debout en regardant sa compagne au sol. Je me précipite et ramasse l’enfant d’une main en essayant de ne pas être prise de spasmes nauséeux à l’odeur.

« Dehors, tout le monde, par la porte et ensuite à gauche jusqu’à la clôture. »

Me voir prendre le fardeau du plus faible d’entre eux les fait se mettre en mouvement mais, alors que je sors de l’immonde placard, je vois deux camions remplis de personnes à l’air cruel se diriger droit vers nous.

Tous les enfants se sont immobilisés avec moi dans l’encadrement de la porte. Ils me regardent. Je peux sentir celui que je porte respirer à peine.

Je ne les laisserai pas vous prendre.

Je cogne du poing la sécurité de la porte et elle descend avec fracas.

Je sors l’étourdisseur de son étui, vise le panneau de contrôle de la porte et appuie sur la détente. Rien. J’appuie à nouveau. Rien.

« Faut t'nir l’gâchette là, p’tirer. » Un des enfants l’a dit si bas que je ne l’ai presque pas entendu. Celle dans mes bras.

Je fais ce qu’elle me dit et maintiens la gâchette. Les secondes passent et j’entends les camions s’arrêter. La porte commence à bouger à nouveau. Soudain mon étourdisseur tire et grille les contrôles. Quelqu’un de l’autre côté n’apprécie pas, pointe une arme à travers l’ouverture de trois centimètres et se met à tirer.

Les enfants se mettent à couvert derrière les quelques morceaux de ferraille les plus gros qui traînent alentours. Quelqu’un crie et les tirs cessent. Les sirènes d’alarme hurlent toujours mais je peux entendre d’autres bruits de l’autre côté de la porte.

« Rat ! J’sa qu’t’es là ! » C’est Dirk. « Laisse t’ber, rat ! T’sortiras po d’là l’tant qu’j’le décid’rai po ! »

Les enfants se déplacent vers de meilleures couvertures. S’il y a une chose qu’un gamin des rues sait, c’est trouver un endroit où se cacher. Je regarde celle qui se trouve dans mes bras, inconsciente et sale. Sans défense.

« Je ne les laisserai pas te prendre, » dis-je doucement. Puis je fais face à la porte et relâche toute la rage et la colère que je peux conjurer. « Tu n’es plus mon chef, Dirk. Tu n’es plus rien pour moi. Tu es plus grand que nous et tu as des armes, donc tu penses que tu peux faire ce que tu veux. Et peut-être que tu peux, mais je ne te faciliterai pas la tâche. Je vais me battre pour ces gamins. Je suis plus forte et plus intelligente que tu le penses, Dirk. Nous le sommes tous, nous les rats. »

Un tir retentit et je me décale derrière le pilier à côté duquel je me suis accroupie. La balle a percé un trou dans la porte. Quelqu’un passe un crochet par le trou et j’entends un moteur tourner dehors. La porte commence à craquer et se tendre.

Un autre tir, un autre trou, un autre crochet. Un second camion démarre et je vois les panneaux de la porte se distendre sous la traction. Je dois trouver une issue. Je me souviens des caractéristiques des vieux hangars, avec parfois une ventilation dans le plafond. Mes yeux regardent vers le haut, cherchant un signe que je trouve presque immédiatement.

« Vous devez tous grimper. Passer dans les conduits de ventilation. C’est une sortie. Allez. »

Ces enfants ont traversé l’enfer mais ils m’étonnent encore alors qu’ils commencent à grimper en s’entraidant. Je pleure presque alors qu’ils brisent toutes les règles de la rue en faisant ça. Le premier d’entre eux arrive à l’ouverture. Ils disparaissent l’un après l’autre dans ce qui se rapproche le plus de la sécurité que je puisse leur offrir. C’est un piètre confort, mais une meilleure chance que lorsqu’ils étaient enfermés.

Le dernier se retourne vers moi, « ‘lez-y, Sœur. V’d’vez sortir. »

Je tiens toujours l’enfant dans mes bras et je réalise que je ne peux pas grimper tout en l’emportant avec moi.

« Allez-y, je ne peux pas y arriver, je suis trop grande. Je dois rester et m’occuper d’eux. »

Plus d’une paire d’yeux me fixe intensément.

« Partez ! »

Les murs commencent à trembler, les yeux disparaissent de la bouche d’aération et de la poussière tombe de tous les coins alors qu’un côté de l’énorme porte d’entrée s’effondre. Il bouche encore le passage, mais une fois que l’autre côté aura cédé…

Je recule aussi loin que possible au milieu de la ferraille et des outils. J’y vois à peine à travers la poussière. Il y a des cris et des torches qui brillent pour éclairer le trou nouvellement créé. Les camions font tourner leurs moteurs à nouveau et puis soudain… ils s’arrêtent.

Des tirs d’armes à feu et de laser se font entendre et je peux entendre une nouvelle sirène. Non, des sirènes. Elles sont de plus en plus fortes. Les camions démarrent à nouveau mais je peux les entendre s’éloigner, cette fois.

Les nouvelles sirènes se font encore plus fortes et puis je vois passer les lumières bleues clignotantes. Et d’autres. Et encore d’autres. Les Bleus ? Comment ?

Alors que la poussière s’efface, quelques véhicules s’arrêtent à l’extérieur du hangar à la porte défoncée et plusieurs grands hommes en vêtements civils en sortent, armes à la main.

Je me rapetisse et je garde un œil sur eux en espérant qu’ils partiront s’ils ne trouvent rien.

Un autre véhicule s’arrête et, tel un fantôme dans un rêve, je vois S’per M’man en sortir avec un Bleu en uniforme à côté d’elle.

Mes poumons brûlent alors que je prends une inspiration poussiéreuse pour essayer de l’appeler, mais je ne fais que tousser. Je me lève et tous les yeux se braquent sur moi et l’enfant que je porte. Je titube hors de ma cachette. Je dois atteindre S’per M’man.

Cette pensée me pousse. Je trébuche et tombe. Une des Bleus me rattrape, me prend doucement l’enfant des mains et m’allonge contre un mur.

« Êtes-vous blessée ? » demande la Bleue. « Il y en a d’autres ? »

« La ventilation, » dis-je en toussant. « Dans la ventilation. »

La Bleue éclaire la bouche d’aération où six enfants la fixent du regard. Je leur fais signe de descendre avec mon bras et, après une longue pause, ils s’exécutent. D’autres Bleus arrivent et aident les enfants. Des Bleus qui aident des rats des rues. Cette fois les larmes coulent.

S’per M’man est là à présent, à côté de moi.

« Tout va bien ? Es-tu blessée ? »

L’inquiétude dans ses yeux et sa voix m’emplissent de honte. Je ne mérite pas qu’elle se soucie pour moi.

Je retire mon mobiGlas et le lui tends. Je m’éclaircis la gorge en toussant.

« J’ai récupéré autant d’informations sur les opérations de Dirk que j’ai pu. Finances, sociétés écrans, contacts. C’est plus qu’il n’en faut pour le faire tomber si vous le donnez aux Bleus. Cela peut garder les enfants en sécurité. » Je suis si épuisée que mon bras tremble sous l’effort de soutenir le poids du mobiGlas.

S’per M’man le prend puis s’approche de moi. Ses bras m’entourent dans une étreinte. Je ne sais même pas quoi faire. Je laisse mes mains tomber à mes côtés en me sentant indigne de tenir la seule Mère que j’ai connu dans mes bras.

« Bon travail, ma petite. »

Une semaine plus tard, les Bleus ont toutes les informations que j’ai collectées et j’ai récupéré mon mobiGlas. Les enfants ont été placés en garde protégée. Les opérations de Dirk ont été démantelées, bien qu’il soit introuvable. Les nouvelles parlent de s’occuper de la pauvreté dans la ville. L’école de rue a repris, avec des gamins venant de partout. Cette semaine plus d’une centaine sont venus. Ils nous appellent les Grandes Sœurs maintenant, comme si les Sœurs avaient pris le titre de Dirk. Tout ça, et je m’apprête à partir.

S’per M’man a dit que je pouvais rester au couvent mais je sais que ce n’est pas possible. J’ai mis les enfants que nous essayions d’aider en danger et j’ai presque attaqué le cœur de la religion des Sœurs. Je vais aller dans l’espace et voir toutes les choses à propos desquelles j’ai lu. J’ai toujours été une invitée ici. Je n’ai jamais été l’une d’entre elles. Je finis mes bagages quand elle vient me voir.

« Bonjour, ma petite, » dit-elle. Mon dos est vers la porte.

« Je ne suis plus si petite, » je réponds. « J’ai un peu grandi depuis que vous m’avez donné ce nom. »

S’per M’man a un sourire dans la voix. « Je t’ai donné un nom, alors ? Tu as refusé de me dire comment t’appeler. Donc j’ai choisi une description par laquelle t’appeler. Ce n’est pas vraiment un nom, à mon avis. »

Il y a une fin non exprimée à cette phrase. Je peux le sentir.

Je me retourne pour voir S’per M’man se tenir dans l’encadrement de la porte, dans son plus bel habit. J’imagine que ça fait sens qu’elle le porte le jour de mon départ.

« Nous avons quelque chose pour toi. »

Je demande. « Nous ? »

« Viens, ma petite. Il est temps que je fasse ce que tu dis que j’ai déjà fait. »

Impossible de dire non à S’per M’man quand elle a un plan.

Elle me fait signe de la main et je la suis hors de la zone d’habitation, par delà le réfectoire et dans la bibliothèque.

Où des rangs de Sœurs se tiennent en train d’attendre devant les étagères.

Trois étages pleins. Des rangées de six mètres de long de Sœurs dans leur plus bel habit cérémonial. Une Sœur se tient au milieu de l’assemblée à l’étage principal avec une caméra. S’per M’man avance et s’arrête à côté d’elle. Je suis immobile dans l’encadrement de la porte en essayant de ne pas paniquer.

Se retournant sur place, S’per M’man me regarde puis lève les yeux vers les Sœurs rassemblées. Elle parle fort. « Une que nous connaissons à présent est parmi nous. Une a été notre invitée et n’avait pas de nom. L’une d’entre nous part, pour suivre l’appel de son cœur. Elles sont toutes la même personne. Elle a tenté de nous faire du mal mais uniquement dans le but d’en sauver d’autres, ce qu’elle a ensuite fait d’elle-même. Il serait bon d’enregistrer son nom et ses bonnes actions dans les histoires de notre Couvent, mais cela ne serait pas correct de le faire sans utiliser son nom. Que dites-vous ? »

Une silhouette à ma gauche s’avance. « Nous proposons qu’un nom lui soit donné. »

Une autre silhouette s’avance, cette fois depuis ma droite. « Nous avons atteint un consensus. »

« Avance, » me dit S’per M’man en me faisant signe de venir vers elle. Je marche, confuse, et m’arrête lorsqu’elle me le signale.

S’per M’man pose une main sur mon épaule. Elle me fixe d’un regard perçant en parlant. « Celle-ci a été trouvée digne et bonne parmi nous. Une inspiration pour l’étude de la connaissance et un exemple de courage. Une personne changée, remodelée par la force de sa propre volonté. Comment la nommerez-vous ? »

Un chœur répond à l’unisson.

« Luther, la réformatrice. »

Fin

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