Cloud Imperium Games a-t-il contracté un prêt bancaire pour Star Citizen ?

Publié par Duboismarneus

Ce samedi 22 juin 2016, une rumeur a commencé à circuler sur internet : Cloud Imperium Games aurait contracté un prêt bancaire, et, plus grave, aurait mis pour cela en gageure la propriété intellectuelle de Star Citizen.

Les faits

Qu’en est-il ? Les faits ne sont pas en faveur de CIG : le 15 juin 2017, Foundry 42, studio anglais de CIG enregistré depuis le 24 septembre 2013 à la Compagnies House (le site du gouvernement anglais recensant les sociétés basées sur son territoire, ainsi que leurs états et documents financiers), a contracté un prêt chez la banque Thomas Coutt’s&Co dont la nature n’est pas précisée. Et comme pour tout prêt effectué, la banque exige une garantie de paiement. Foundry 42 a donc engagé “le jeu” (tel que spécifié explicitement au paragraphe 23.1 du contrat).

Il n’en fallait pas plus pour que la toile s’affole et que les conspirationnistes ressortent le clavier poussiéreux, sautant sur une occasion qui ne s’était pas présentée depuis bien longtemps. Je ne les blâme pas, la faim devait les tenailler, et l’os rongé des reports de la 3.0 commençait à ne plus avoir trop de goût. En l’absence d’une quelconque clarification, les feux de la haine attisés, sans trop de surprise, par un article (j’aime beaucoup la photo) très attendu de Derek Smart, de nombreux sites journalistiques s’engouffrèrent dans la polémique.

Comme vous le savez, la sphère Star Citizen est une habituée des polémiques. Disant cela, il est facile de penser que cet état de fait est créé de lui-même par l’apparent nid de malversations que semble être le projet, alors qu’il me semble plus juste de dire que Star Citizen n’a rien demandé et attire simplement et immanquablement les conspirationnistes ne croyant pas au monde du financement participatif et ses rejetons. Oserais-je dire qu’à force de le crier, il est de leur intérêt de tout faire pour montrer qu’ils ont raison, avant même que cela puisse être analysé raisonnablement ? De ce fait, Star Citizen est une cible régulière et facile, l’incertitude d’un immense projet en développement permettant tous les fantasmes de ceux qui pensent voir les indices de leur propre vérité disséminés dans chaque chose un peu floue de ce qui se trame autour de leur tentaculaire proie. Le triste monde du complotisme en manque de visibilité, en somme.

Évidemment, gravitent autour de ces sombres personnages ceux qui ne peuvent que se laisser emporter par la vague des on-dits et des apparences, et ceux-là sont les plus malheureux de l’histoire. Mais bien qu’il est de notoriété commune que CIG ne peut que chercher à noyer le poisson, il semble pourtant plutôt intéressant de s’attarder sur l’explication qu’a fourni Ortwin Freyermuth, co-fondateur de CIG et peu ou prou le conseiller juridique de la boîte, plutôt que de se satisfaire d’élucubrations qui n’ont de fondement que l’apparent scandale de l’affaire :

“Nous avons été informés des spéculations que créaient des documents postés sur le site web du gouvernement Compagnies House, qui concernent la garantie de Coutt’s et au sujet de notre avance sur un crédit d’impôt, et nous voudrions apporter des précisions pour prévenir certaines désinformations que nous avons vu se propager.

Nos compagnies anglaises ont droit à un remboursement de crédit d’impôt que nous gagnons chaque mois pour le développement de Squadron 42. Ces remboursements sont payés par le gouvernement britannique à la fin de l’année suivant nos déclarations d’impôts [NDT : par exemple, fin 2017 pour les déclarations 2016]. Foundry 42 et sa compagnie-mère Cloud Imperium Games UK Ltd. ont choisi de s’associer avec Countts, une institution bancaire spécialisée, très réputée et sélective pour obtenir une avance régulière de ce remboursement, ce qui nous permettra d’éviter de devoir convertir inutilement d’autres devises en Livres Sterling. Une part significative de nos dépenses sont bien évidemment en Livres Sterling tandis que nos perceptions se font en Dollars ou en Euros. Étant donné les faibles taux d’intérêt actuels, et en prenant en compte les fluctuations en cours et futures de la monnaie, ceci est simplement une intelligente stratégie de gestion budgétaire, que nous avons mise en place sur les recommandations de nos conseillers financiers.

La garantie accordée dans le cadre de l’octroi de ce prêt est totalement standard et concerne uniquement nos opérations britanniques, qui consiste en le développement de Squadron 42. Comme un examen attentif de la garantie permet de constater, et contrairement à certaines allégations irresponsables et mensongères, la garantie exclue “Star Citizen”. Le remboursement de la taxe par le gouvernement britannique, qui est auditée et certifiée trimestriellement par nos vérificateurs externes, est la principale garantie. Par procédure standard dans le milieu bancaire, nos compagnies anglaises se portent évidemment garantes du prêt et de son remboursement, qui, par ailleurs, étant donné la fiabilité de l’actif concerné (un paiement du gouvernement britannique), n’est qu’une formalité et rien de plus. Cette garantie n’affecte aucunement la propriété de nos compagnies anglaise ainsi que le contrôle de leurs actifs. Évidemment, le gouvernement anglais ne fera pas défaut à son obligation de crédit d’impôt, qui sera utilisé comme remboursement [du prêt], et quand bien même, les compagnies anglaises disposent de largement assez d’actifs pour rembourser le prêt, dans une telle éventualité, bien sûr, impensable.

Cela devrait clarifier le problème. Merci.”

Explications

Comment analyser le problème en se dépêtrant des termes compliqués ? C’est simple : tous les ans, la branche anglaise de CIG, Foundry 42, dont la principale mission est de développer Squadron 42, se voit octroyer un crédit d’impôt dans le cadre d’une loi britannique sur le développement de jeu vidéo. Cette loi, adoptée courant mars 2014, permet un dégrèvement, un crédit d’impôt, pour l’industrie vidéoludique locale afin de favoriser son développement. En clair, une fois l’imposition d’entreprise payée, le gouvernement va accorder une remise dans le cadre de la loi.

À noter que si Foundry 42 est éligible à ce crédit d’impôt, c’est qu’il remplit les critères sélectifs nécessaires pour y prétendre (qu’il a obtenu au moins 16 points sur 31 au “test culturel”). Ces critères sont essentiellement culturels (savoir si le studio et sa production boivent le thé, plient le genou devant la reine et portent la moustache), mais le studio doit fournir des documents qui attestent de la viabilité du projet et de l’entreprise (planning de développement, budget de production et estimation des coûts,…).

Pourquoi cet emprunt, donc ? Comme l’a expliqué Ortwin, la situation financière actuelle de la Grande-Bretagne est stable. Mais l’avenir n’est pas aussi rose (Brexit bonjour), et il faut se souvenir que ce que gagne CIG en Livre Sterling doit être converti en Euro ou en Dollar pour les besoins du développement. Ce que gagne CIG sur ce prêt est ainsi supposément immédiatement converti au taux actuel et ajouté au budget global. Si, en 2018, le cours de la Livre Sterling a baissé, et sa valeur est devenue moindre face au Dollar ou à l’Euro, alors le remboursement de la taxe (opéré par le Gouvernement Britannique), qui sera interne à l’Angleterre car immédiatement reversé dans le cadre du remboursement du prêt à Countts&Co, ne subira aucune fluctuation monétaire. Supposément et selon Ortwin, même les intérêts du prêt ne seront pas aussi hauts que le bénéfice de cette stratégie budgétaire. Bien sûr, tout ceci est de la pure spéculation sur l’avenir économique de l’Angleterre, et s’il advenait que le cours de la Livre stagne ou augmente, alors cette opération n’aura servie à rien, mais n’aura aucun impact sur les fonds dont dispose CIG et Foundry 42. Dans l’histoire, le pire que CIG puisse perdre, ce sont les intérêts sur le prêt, qui semblent très bas selon Ortwin.

Pourquoi engager Squadron 42 comme garantie ? Comme tout prêt, il faut une garantie. Notons, déjà, que Countts&Co est une prestigieuse banque qui n’accorde pas de prêts au pied levé (ce qui indique forcément que CIG fait montre d’une bonne santé financière). Notons, ensuite, que le remboursement du prêt est lié au remboursement de la taxe accordée par le gouvernement britannique en 2018. Cela suffit. Un versement garanti par le gouvernement britannique assure qu’il sera fait, et pour la banque, c’est un argument très suffisant, et très solide. Elle est certaine d’obtenir ce remboursement. Cependant, pour des raisons légales et standards, Foundry 42 et CIG se doivent d’assurer être derrière dans le cas extrêmement peu probable où le gouvernement manquerait à son devoir. L’argent cash n’étant pas toujours suffisant dans le cadre d’une entreprise, elle a engagé son activité ; ici donc, Squadron 42. Le prêt et la taxe ne concernant que Foundry 42, les droits pour Star Citizen ne sont donc absolument pas en question. En outre, la cession de Squadron 42 dans l’improbable cas où la garantie s’appliquerait n’impliquerait pas forcément la fin du projet, juste que tous les bénéfices liés au jeu seront versés à la banque jusqu’à remboursement intégral du prêt et de ses intérêts. Et comme déjà énoncé, c’est uniquement l’activité de Foundry 42 UK qui est concerné.

Pouvons-nous, avec ces explications, avoir encore des doutes sur la nature de ce prêt ? Oui. Il est possible de penser que la complexité de l’histoire cache le simple fait que CIG a besoin d’argent, maintenant et tout de suite. Encore et toujours, nous sommes liés à ce que CIG veut bien nous montrer, et à la confiance que nous osons lui accorder dans la gestion de ce projet qui nous passionne. Je ne cautionnerai jamais la foi aveugle, il est toujours bon de se poser des questions, surtout quand de telles quantités d’argent sont concernées (j’ai été le premier à le faire en découvrant tout cela, et n’ai pas cherché à disculper CIG manu militari). Mais il est aussi bon de se demander à partir de quand notre pessimisme ne devient pas une envie de nuire, voulue ou non. Au cours d’une recherche approfondie (qui m’a donné quelques maux de tête, je vous l’avoue), j’ai pu utiliser les facteurs extérieurs à ma disposition pour comprendre ce que CIG a fait au travers de ce prêt, et je comprends donc parfaitement que la difficulté que présente le problème oblige les gens à s’arrêter à ce qu’il y a de plus simple. Je profiterai donc de cet article pour vous faire passer un message : que vous soyez pour ou contre le projet, recoupez l’information, cherchez les faits, consultez le plus d’articles possibles et assurez-vous que le mal que semblent vouloir promulguer tant de gens pour Star Citizen est véritablement fondé. Rappelez-vous que je ne suis qu’un simple passionné, mes propos n’ont sûrement pas la même valeur que ceux d’un vrai journaliste.

Conclusion

Un jour peut-être et sur ce site, j’annoncerai l’échec du projet et en assumerai les conséquences, et je ne demande qu’à devoir élucider une sombre affaire tramée par CIG. Que jusqu’ici je n’ai eu qu’à défendre fait immanquablement se poser des questions, mais il faut parfois arrêter de se dire que l’absence de torts montre juste un plus grand talent pour les cacher. CIG est devenue une énorme boîte, et qui dit grosse boîte et gros projets, dit plus de visibilité, donc plus de vautours. Le succès de CIG fait sans étonnement des envieux, et ce genre d’histoires n’a pas fini de se présenter. On me fait souvent remarquer que je devrais laisser couler, mais à l’image d’Ortwin Freyermuth, je ne peux pas non plus laisser circuler d’aussi grosses désinformations. Le manque de clarté pour les non-initiés et ceux qui ne se sortent pas de la complexité de ce genre d’histoire provoque, autant que les allégations malhonnêtes, un phénomène de répulsion que ne mérite pas spécialement le projet.

Star Citizen et CIG ont des défauts, sur bien des points, et il serait ridicule de le nier, mais la perfection et le parcours sans défaut n’existent pas. Lorsqu’on a fait la paix avec cette vérité, on cesse de voir tous les indices du mal comme des preuves irréfutables de malhonnêteté.

Bref, gardez l’esprit ouvert, et rendez-vous aux alentours du 10 août (note de Hotaru : en touchant Dubois) pour les premiers retours et ressentis sur la 3.0 !

À plus dans le spatiobus,

La rédaction.

Rédigé par Duboismarneus, relu par Hotaru

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