Publié par Duboismarneus

La semaine écoulée avait été frustrante, songea Gates. Tout d’abord, le 325 avait subi après le saut un problème électrique au niveau de son aile endommagée, puis l’unique chantier naval en orbite autour de Nemo III avait prétendu que toutes ses cales étaient occupées.

Il aurait pu atterrir et profiter des installations moins chères à la surface de la planète, mais l’entrée dans l’atmosphère finirait certainement par griller les équipements électroniques qui subsistaient dans cette partie de l’aile, ce qui finirait par lui coûter encore plus de temps et d’argent alors qu’il en manquait déjà.

Il avait placé le vaisseau en orbite haute et expédié un message à Morgan lui proposant une rencontre, puis il s’était installé pour vérifier ses messages. Les vaisseaux courriers amenaient les messages électroniques de système en système et les transmettaient aux réseaux locaux, qui les tenaient à la disposition de leurs destinataires. Ce n’était pas complètement sécurisé, mais ça marchait assez bien si vous aviez suffisamment de courrier bidon au sein duquel cacher une éventuelle pépite de correspondance importante, encodée dans une publicité ou autre.

Enfoui justement dans une telle pub vantant les mérites du tout dernier traitement d’extension de vie proposé par Universal Health Corporation, le message de Vasser était bref et direct : Rien de nouveau de notre côté. Et du vôtre ?

La réponse de Gates fut aussi concise : Non. J’essaie encore. Je tente une approche différente. La bille bleu-vert de Nemo III tournait avec nonchalance en contrebas tandis que Gates effaça le courrier bidon et fit défiler quelques messages supplémentaires, guère plus encourageants. Parmi ses informateurs, ceux qui avaient répondu n’avaient aucune info sur Les Inconnus. Quant aux autres, il était encore moins probable qu’ils puissent savoir quoi que ce soit, car d’une façon générale ils étaient plutôt impliqués dans des affaires d’ordre politique, ou en était les observateurs.

Ses comms clignotèrent, lui signalant un appel en provenance des docks. Gates décrocha brusquement : « Gates. »

« Monsieur, votre requête pour des réparations sur le 325 vient de recevoir la priorité. »

« La priorité ? Grâce à qui ? »

« Un ami de ce chantier : Jimmy Morgan dit qu’il a une dette envers vous. »

Gates fut pris au dépourvu. À aucun moment il ne s’était imaginé recevoir une bonne surprise au cours de cette enquête. « Ah. Très bien. »

« Veuillez vous avancer jusqu’à la cale un-huit en suivant cette trajectoire. »

Gates entra les données dans son ordinateur de navigation et se mit en route tandis que le représentant du chantier naval poursuivait : « Nous estimons la durée de vos réparations à quatorze heures. Vous faudra-t-il une navette à destination de la planète ou bien désirez-vous rester à bord de la station le temps que le travail soit effectué ?

« Une navette, s’il vous plaît. »

« Vous pourrez récupérer votre billet de navette gratuit dès votre arrivée. La prochaine quitte la station à 17h15 TTS. Si vous avez d’autres choses à faire sur la station, il y a un départ de navette pour la surface toutes les heures, à et quart.

« Merci. »

« Tout le plaisir est pour nous. Merci d’avoir choisi NemoNautics pour votre entretien et vos réparations. »

Quelques heures plus tard, il était attablé face au Commandant James Morgan (à la retraite) et commandait des nouilles à une séduisante serveuse.

« Ça fait plaisir de te voir, Gates, » dit Morgan après le départ de la serveuse.

« Pareil, Morgan. Comment ça va depuis le temps ? »

« Je suis vieux et croulant. »

Gates renifla. « T’as vingt ans de moins que moi. »

« Ce n’est pas l’âge qui compte, mais tous les abordages. »

« J’suis pas une minette que t’essaies d’impressionner. Et d’ailleurs, t’as participé à beaucoup d’abordages désespérés? »

Il grogna. « Aucun. »

« C’est bien ce que je pensais. »

« Alors, t’as enfin pris ta retraite ? »

Gates haussa les épaules. « D’une certaine manière. » Il n’eut aucun mal à mentir, Morgan ne faisant pas partie de l’Advocacy : « On m’a encore mis à pied. Je fais du taf de chasseur de primes pour gagner ma croûte. »

« Chasseur de primes ? Tu cours après qui ? »

« J’voulais savoir si t’avais des infos sur de nouvelles organisations criminelles dans cette partie de l’Empire. »

« Nouvelles ? »

« Ouais. »

« Ils touchent à quoi ? »

« Esclavage, contrebande et piraterie. »

« Quels systèmes ? »

« Corel, Nexus, Magnus et peut-être aussi Cathcart et Taranis. »

« Ça fait beaucoup de systèmes pour que personne de chez vous n’ait réussi à trouver une piste. »

Gates hocha la tête, « Je sais. Je serais pas en train de bouffer des nouilles et d’écouter tes histoires embellies du temps jadis si j’avais d’autres options. »

« Imbécile. »

Arminius gloussa, « on m’a balancé des insultes bien pires que ça, et surtout moins exactes. »

Morgan secoua la tête, « j’vais me renseigner un peu à droite et à gauche. »

« C’est tout ? »

« J’ai pris ma retraite. »

Gates sourit. « J’ai déjà entendu ça. »

« Cette fois-ci, c’est vrai. »

« J’aurais peut-être dû te rappeler la dette que t’as envers moi depuis Vega. »

Morgan leva les mains, « Hé, j’ai pas dit que j’allais pas te trouver des réponses. Je sais ce que je te dois. Simplement, je ne suis plus dans le circuit. Et puis, si j’avais pas envie de te renvoyer l’ascenseur, je me serais pas occupé de tes réparations. »

« Et merci pour ça… Comment ça se fait que tu puisses arranger des coups comme ça, d’ailleurs ? »

« Je suis un retraité de la Navy. La pension n’est pas mirobolante, surtout avec ce que je dois reverser à mes ex, mais j’ai réussi à me dégoter un taf de consultant. Ça me rapporte assez pour que je puisse fourrer mon nez par-ci par-là. »

Gates opina du chef, « Ravi d’entendre que tu t’en sors bien. Je tiens quand même à payer. »

« J’espère bien. »

Alors que Gates signait le récépissé de fin de réparation, son MobiGlas émit un bip. Il s’écarta du guichet et de l’employé, et décrocha, « Gates. »

« T’es tout seul ? » C’était la voix de Morgan.

Il a fait vite. Je savais bien que Morgan n’était pas aussi retraité qu’il le prétendait. « Pas vraiment. Je suis sur le point d’embarquer. Rappelle-moi dans cinq minutes. «

« Ça marche. »

Gates finit de remplir la paperasse et se dirigea vers la cale 18. Le MobiGlas sonna à nouveau alors même qu’il grimpait à bord. Il referma dans un claquement la trappe d’accès et renvoya l’appel vers l’intercom du 325. « C’est bon, je suis seul, » dit-il tout en rangeant son équipement et en commençant à enfiler sa combinaison de vol.

« Bien. T’avais raison, il y a un lien entre les pirates de Cathcart et de Taranis. Il y a à peu près un an, une organisation baptisée Les Inconnus s’est imposée et a terrassé quelques clans de pirates, avant de leur offrir de nouveaux vaisseaux et de nouvelles armes à condition qu’ils acceptent de se réconcilier et de suivre de nouvelles règles. Je n’ai pas réussi à savoir grand-chose sur ces nouvelles règles, mais visiblement l’idée générale c’est de ne jamais balancer les noms de ceux qui font partie de l’organisation. Nos sources ont clairement dit que ceux qui avaient refusé l’offre n’avaient jamais refait surface. »

« Une idée sur l’endroit où les trouver, et leur identité ? »

« Corel-359 est supposé être une sorte de centre de commandement pour leurs opérations. »

Gates consulta son MobiGlas, « ce n’est pas un caillou abandonné ? »

« Absolument. »

« Pas donné. »

« Oui, mais discret. »

« Pourquoi la Navy ne s’est pas occupée d’eux, alors ? »

« Ils ont d’autres chats à fouetter, et je suis certain que quelqu’un, quelque part dans la chaîne de commandement, reçoit une jolie subvention pour les inciter à regarder ailleurs. »

« Merde. »

« Gates, ne leur cours pas après. Tout le monde semble dire que ce sont de gros poissons. »

« Aux dernières nouvelles, moi aussi. »

« Bah, ça ne coûtait rien d’essayer, hein ? »

« En effet, Morgan. Et merci pour les infos, j’en avais bien besoin. Nous voilà quittes. »

« Pas encore, Gates. Bon voyage. » La ligne fut coupée.

Une heure plus tard, Gates effectuait le saut vers Corel, après avoir signalé sa destination à Vasser.

Gates suivait une trajectoire balistique et se laissait porter vers Corel-359 depuis trois jours, tous les senseurs en mode passif. Le planétoïde hors-la-loi se situait loin du cœur du système et à l’écart des sentiers battus ; son orbite suivait une ellipse inhabituelle qui passait actuellement en-dessus du plan de l’écliptique. De ce point de vue, cela en faisait un bon choix pour une base, mais le fait qu’il s’agissait d’un rocher sans vie était rédhibitoire du point de vue des coûts logistiques. Les relevés étaient saturés par une succession d’anneaux de glace et de poussière autour du planétoïde, ainsi que par quatre autres masses rocheuses encore plus petites en orbite, mais la signature d’un réacteur était facile à détecter à longue distance, même pour des senseurs civils.

Le problème, c’est que même avec mes senseurs améliorés je n’ai rien capté. Rien de rien. Ce petit jeu de patience va venir à bout de mon caractère d’enfant de chœur. Encore un peu et je vais moi aussi me retrouver en orbite.

Au diable tout ça.

Gates activa tous ses systèmes simultanément, poussant la manette des gaz à quatre-vingt pour cent et arrosant toute la zone environnante de ses senseurs.

Les minutes passèrent, tandis que le 325 gagnait de la vitesse et affichait une analyse plus précise du planétoïde et de ses compagnons en orbite. Et pourtant, toujours ri-

Trois réacteurs apparurent sur l’affichage tactique : deux devant, et un autre tout proche à tribord et en-dessous de sa trajectoire d’approche. Gates plaça les deux à l’avant en surveillance missile tout en donnant l’ordre à l’ordinateur de calculer une solution de tir, alors même que le 325 identifiait ses adversaires : deux Cutlass et un Aurora.

Gates changea de trajectoire, de façon à gagner assez de temps pour s’occuper de l’Aurora avant que les deux Cutlass ne soient à portée.

L’ordinateur de visée signala qu’il était prêt. Gates pressa la commande de tir.

L’espace d’un instant, rien ne se passa, puis le 325 fit une embardée lorsque les réacteurs des missiles, toujours fixés sur leurs nacelles, furent mis à feu.

Ils ne vont pas s’armer si près du vaisseau, donc ils ne devraient pas exploser, mais quelqu’un a – son sang se figea subitement lorsque l’évidence s’imposa à lui – Morgan ! T’as donné la priorité à mes réparations pour pouvoir saboter mes nacelles, hein ? J’aurais jamais dû lui faire conf- L’alerte du système de contre-mesures se mit à retentir. Des missiles approchaient, en provenance des trois vaisseaux.

Il se lança dans des manœuvres d’évitement et fit feu de ses deux canons, électromagnétique et standard, afin de les tester. Tous deux fonctionnaient correctement, de même que ses boucliers.

Si jamais il survivait à l’attaque des missiles, quelqu’un aurait des comptes à rendre.

Gates se mit alors à sourire crânement et poussa la manette des gaz à fond.

Gare à vous les loups, voici un vieux chien qui a encore du mordant.

À suivre…

Traduit de l’anglais par Baron_Noir, relecture Duboismarneus. Source : https://robertsspaceindustries.com/comm-link/spectrum-dispatch/13202-A-SEPARATE-LAW-PART-FIVE

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